Juifs | Trevisan Semi, Emanuela

Juifs 762 Ils formaient une importante colonie militaire à Éléphantine dont on conserve une documentation remarquable (les papyrus d’Éléphantine), composée de manuscrits en araméen qui remontent au v e siècle. C’est à partir de la mort d’Alexandre en 323 av. J.‑C. que la présence des juifs dans le bassin méditerranéen devient particulièrement significative et que leur particularité religieuse et culturelle prend de l’importance. C’est en effet au sein de ce grand espace, qui s’est formé après la conquête d’Alexandre, qu’ils se retrouvent sous la domination hellénique où de nouvelles formes politiques, religieuses et culturelles voient le jour. À partir de cette même époque se forme la spécificité de la diaspora juive que le philosophe juif, Philon d’Alexandrie (20 av. J.‑C.-40 apr. J.‑C.) [Philon d’Alexandrie, In Flaccum , André Pelletier, vol. 31, Éditions du Cerf, Paris, 1967, § 4] explique ainsi : « C’est pour cette raison (leur grand nombre) qu’ils émigrent vers la plupart des régions les plus favorisées d’Europe et d’Asie, sur les continents et dans les îles ; ils considèrent comme leur métropole la ville sainte où se trouve le temple sacré du Dieu Très-Haut, mais ils retiennent pour leurs patries respectives les régions que le sort a données comme lieu de séjour à leurs pères, à leurs grands-pères, à leurs arrière-grands-pères et à leurs ancêtres plus lointains encore, où ils sont nés et ont été élevés. » Ce passage parle de deux lieux de référence des juifs, la Ville sainte, Jérusalem, considérée comme leur propre « métropole » (c’est-à-dire la ville principale, à laquelle ils attribuent une grande importance), et les zones de résidence appelées et considérées comme leurs « patries ». Cette dichotomie et cette tension entre deux lieux de référence, le lieu d’origine et un pays d’ac- cueil qui peut devenir une patrie (et qui à certaines époques historiques et dans certaines zones géographiques l’est réellement devenu), restent un des thèmes fondamentaux des juifs. Demeurée symbolique et virtuelle jusqu’à la naissance de l’État d’Israël, à partir de 1948, cette dichotomie est devenue réalité, tout en se complexifiant et en multipliant les configurations identitaires et les patries maternelles de référence des juifs. La spécificité de cette double appartenance à laquelle fait référence Philon d’Alexandrie comporta aussi une typologie particulière d’organisation poli- tique qui structura la présence des juifs dans le monde grec, où ils jouissaient d’un statut qui leur garantissait une sorte d’autonomie dans l’administration des affaires civiles et dans la gestion des questions religieuses et culturelles, la politeuma , impliquant la reconnaissance de différents droits, parmi lesquels aussi leurs relations avec Jérusalem. En somme, les juifs étaient considérés, pour uti- liser un concept anglais actuel, comme des denizens , c’est-à-dire des résidents, citoyens naturalisés. Cette structure diasporique particulière se concrétisa au cours des siècles sous la forme de communautés autonomes. En plus d’une fonction essentielle

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