Jésus | Dorival, Gilles

Jésus 741 est considéré soit comme une interpolation chrétienne soit comme un texte retou- ché par des copistes chrétiens. Chez les Sages du judaïsme de l’Antiquité, Jésus est un faiseur de miracles, un sorcier et un hérétique ; il est le fils deMarie et de l’amant de cette dernière, Pandéra. Les ToledothYeshu (« Générations de Jésus ») forment un anti-évangile juif : ils racontent l’ascendance de Jésus, sa naissance, sa prédication, son procès, son exécution, sa résurrection et les débuts de l’Église ; bien que rédigés peut-être au x e siècle, ils contiennent des matériaux anciens, comme le thème de la bâtardise de Jésus, fils deMarie forcée de commettre l’adultère avec l’impie Yohanan. Les sources païennes les plus anciennes datent du début du ii e siècle. Suétone parle de « Chrestos » à l’instigation de qui les juifs de Rome se révoltaient dans les années 50 ( Vie de Claude , XXV, 11) : l’historien latin assimile les chrétiens aux juifs et il ignore que Jésus est mort depuis vingt ans. Tacite raconte comment Néron a fait retomber la responsabilité de l’incendie de Rome sur les chrétiens, qui tiennent leur nom de Christ supplicié sous Ponce Pilate ( Annales , XIV, 44, 2‑5). En 112, Pline le Jeune interroge l’empereur sur la conduite à tenir à l’égard des chré- tiens de Bithynie quand ceux-ci refusent de sacrifier aux divinités ; ils chantent des hymnes à Jésus comme à un Dieu (Lettre à Trajan) . Au milieu du siècle, Fronton de Cirta décrit les chrétiens comme des athées, qui mangent la chair d’un enfant sacrifié et qui commettent l’inceste. Vers 170, Celse affirme que le christianisme n’a aucune légitimité, parce qu’il a rompu avec le judaïsme et qu’il est sous le signe de la nouveauté ; il raconte que Marie a enfanté Jésus du soldat romain Panthéra. Les sources n’ont pas cessé d’être interprétées au cours des âges. Une partie importante de l’activité théologique est la christologie, qui consiste à s’interroger sur la nature de Jésus. Celui-ci est-il simplement le messie, comme le pensent les juifs ébionites ? En quel sens le Père est-il plus grand que lui, selon Jean, XIV, 28 ? Jésus est-il médiateur et rédempteur, comme le soutient Paul ? N’est-il qu’une créa- ture, comme semble l’avoir affirmé le prêtre Arius au début du iv e siècle ? Est-il au contraire de même substance que le Père, comme le proclame le concile de Nicée de 325 ? Comment la nature humaine et la nature divine de Jésus se combinent-­ elles ? C’est la question qui agite les théologiens du v e siècle : coexistent-elles, comme semble l’avoir pensé Nestorius, ou encore la seconde absorbe-t‑elle la pre- mière, selon les monophysites, ou sont-elles véritablement unies, comme l’affirme le concile de Chalcédoine de 451 ? Les réponses diverses apportées à ces ques- tions ont entraîné des divisions dans les Églises qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. L’interprétation que le Coran fait de Jésus écarte la filiation divine de Jésus (IX, 30) et sa divinité (V, 17). Fils de Marie (II, 87), conçu miraculeusement (LXVI, 13), il est messie (III, 45), parole de Dieu (III, 39), serviteur de Dieu (XLIII, 59), prophète (XIX, 30) ; il a accompli des miracles et des guérisons (V, 110) ; il n’est pas mort sur la croix (IV, 157) ; il sera présent le jour de la résur- rection (IV, 159). Il a prédit la venue de Mahomet (LXI, 6). Ainsi, l’enseignement

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