Jardin | Consalès, Jean Noël; El Faïz, Mohammed

Jardin 730 Mosser, 2006, p. 9), que représente le jardin. Pour Erik Orsenna (2007), ce dernier est « un monde à l’intérieur du monde. Une création de l’homme au milieu de la Création » (p. 4). Pourtant, malgré son unicité, son intériorité et sa taille restreinte, il parle de l’extérieur, du reste et de l’infiniment grand. Il repré- sente, à cet égard, un « espace autre », tel que le définit Michel Foucault : « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde. Le jardin, c’est, depuis le fond de l’Antiquité, une sorte d’hétérotopie heureuse et universalisante. » (Foucault, 1994, p. 759.) Il possède, en effet, « le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles » ( ibid. , p. 758). Pour Hervé Brunon et Monique Mosser, il constitue la forme la plus fine d’hétérotopie, puisqu’il « renvoie au binôme conceptuel du microcosme et du macrocosme » (Brunon et Mosser, 2006, p. 9), en établissant un trait d’union entre ces deux échelles de compréhension. Ainsi le jardin témoigne-t‑il, à travers le temps et l’histoire, des rapports nature/culture et de leurs évolutions, via un art territorialisé pos- sédant son propre langage et réclamant sa propre herméneutique (Nys, 1999). Par son envergure universelle, l’art des jardins se présente, en effet, comme un cadre privilégié d’expression, et donc d’observation, d’une civilisation, en général, et de son « sentiment de nature » (Grimal, 1984, p. 5), en particulier. Véritable laboratoire territorial (Consalès, 2000), le jardin s’affirme également en tant que lieu. Comme le rappelle Augustin Berque, il possède, à ce titre, un carac- tère matériel (topos) et immatériel (chôra) (Berque, 2006). Lié à des pratiques tant individuelles que collectives, tant publiques que privées, il se charge éga- lement de dimensions sensibles et symboliques. Le jardin peut alors relever de l’expérience et traduire ou révéler, comme le note Jean-Marc Besse à propos du paysage, « une certaine manière d’être au monde, d’y être impliqué pratique- ment, c’est-à-dire de l’habiter » (Besse, 2000, p. 82). « Expression des rapports étroits entre la civilisation et la nature, lieu de délectation, propre à la médi­ tation ou à la rêverie, le jardin prend ainsi le sens cosmique d’une image idéa- lisée du monde, un “paradis” au sens étymologique du terme, mais qui porte témoignage d’une culture, d’un style, d’une époque, éventuellement de l’origi- nalité d’un créateur. » (Icomos, 1981.) En Méditerranée, la diversité des géographies et des cultures locales a donné, au cours de l’histoire, des formes variées de jardins. Toutes partagent, néan- moins, un caractère commun. Celui-ci procède des interactions qui se tissent entre les spécificités du milieu et le génie des hommes culturellement marqués par un certain anthropocentrisme. Chaud et sec, le climat méditerranéen favo- rise une flore adaptée au manque d’eau qui, malgré son indéniable richesse, peut à l’état naturel apparaître comme maigre, clairsemée et aride. En revanche, lorsque l’eau est mobilisée, les températures douces et l’ensoleillement régulier

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