Jardin | Consalès, Jean Noël; El Faïz, Mohammed

Jardin 729 Jardin En Méditerranée comme ailleurs, l’étymologie du mot « jardin » renvoie bien plus au caractère clos d’une parcelle qu’à sa vocation culturale. La racine indo­ européenne ghort , qui désigne ce qui est ceint ou enclos, a en effet formé le mot latin hortus et le vocable germanique gard (Saffi, 2004). Le premier a servi de base à la constitution du orto italien ou du huerto castillan, termes qui qualifient exclusivement le potager. Le second a servi de fondement au garden anglais ou au jardin français (dont découlent le giardino italien ou le jardín castillan), termes plus génériques qui consacrent la diversité du jardin et de ses formes. En langue arabe, plus d’une dizaine de mots servent, par ailleurs, à qualifier cet espace cultivé (El Faïz et García Sánchez, 2002). Et, là encore, l’idée de fermeture domine. Si dans l’étymologie persane, bustân ( bû : « odeur » ; stân : « lieu » ) signifie jardin d’agrément planté de fleurs ou que buhayra (« petite mer ») désigne explicitement l’espace d’un jardin très étendu, l’ agdâl , terme d’origine berbère, définit, selon Émile Laoust, un « pré réservé sur les rives d’un oued et entouré d’une enceinte en pierres » (Laoust, 1920). De fait, l’ agdâl et la buhayra désignent un même objet : le jardin impérial, divisé en enclos et entouré de hauts remparts, qui se trouve à proximité des palais des sultans, à Marrakech, Rabat, Séville, Meknès, etc. Le terme jinân désigne, quant à lui, un espace planté d’arbres fruitiers. Dans le parler arabe classique, ce type de jardin comporte nécessairement des vignes et des pal- miers, sinon il se nomme hadîqa (« enclos »). Par extension, janna (pluriel : jinân ou jannât ) a, dans le Coran, un sens précis, celui de paradis promis aux croyants. Dans la Bible aussi, le paradis prend la forme d’un jardin. Sis dans l’Éden, arrosé par un fleuve, celui-là est décrit comme un lieu d’harmonie entre l’homme et la nature, au sein duquel « Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger » (Genèse, II, 9‑11). Force est alors de constater que l’étymologie du mot « paradis », fondée sur l’ancien persan apiri-daeza , caracté- rise initialement un verger entouré de murs (Delumeau, 1992). Réelle ou figurée, la clôture détermine donc cette « partition dans le terri- toire » (Le Dantec, 2006a, p. 58), « individualisée et autonome » (Brunon et

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