Insularité | Bernardie-Tahir, Nathalie

Insularité 714 Insularité Dans le langage courant comme dans la plupart des dictionnaires, les termes d’île et d’insularité sont souvent confondus. Pourtant, si l’île renvoie à un terri- toire concret (« une terre entourée d’eau » selon la définition la plus courante), l’insularité correspond à un ensemble de caractéristiques plus ou moins quanti- fiables – d’ordre biogéographique, économique, social, fonctionnel, etc. – rele- vant de cette situation géographique spécifique. L’insularité entretient avec la Méditerranée des liens osmotiques, quasiment consubstantiels, qui ne tiennent pas seulement à l’importance du fait insulaire dans cette mer parsemée d’une myriade d’îles, d’îlots et d’archipels. La notion même d’insularité s’est en effet initialement forgée en contexte méditerranéen, à partir duquel elle a acquis une plus large portée générique. Suivant le destin du mot « archipel » qui, avant de signifier communément un groupe d’îles, désignait au xvi e siècle la « mer principale » (la mer Égée), l’insularité s’est véri- tablement modélisée en Méditerranée avant de s’exporter outre-mer. Au début du xi e siècle déjà, une cosmographie anonyme intitulée The Book of Curiosities (conservée actuellement à la Bodleian Library, Oxford) renfermait des cartes de la Méditerranée insulaire, dont une en particulier, The Islamic Mediterranean , parsemée de dizaines de petits cercles identiques représentant les îles arabes et byzantines. Plus tard, les Insulaires (Isolarii) , nom donné aux atlas constitués de cartes et de descriptions d’îles au bas Moyen Âge et à l’époque moderne, acquirent une véritable renommée avec la parution des premiers d’entre eux, consacrés aux îles de la Méditerranée, dont les relevés cartographiques existent depuis l’Antiquité. Ceux de Cristoforo Buondelmonti et de Bartolomeo dalli Sonetti (1485), notamment, exposent et explorent les îles de la mer Égée et de l’Adriatique, principalement celles de l’archipel vénitien qui furent repré- sentées comme la quintessence du paradigme insulaire. Archétype de l’île matricielle souvent représentée sous une forme circulaire, Venise est devenue à partir du xvi e siècle la patrie de la cartographie des îles et modèle de la des- cription insulaire.

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=