Honneur | Rebucini, Gianfranco

Honneur 644 Honneur La notion d’honneur, entendue comme valeur morale, a demeuré longtemps un des domaines privilégiés en anthropologie de la Méditerranée. Depuis les années 1960, à partir de travaux fondateurs de cette nouvelle discipline, notam- ment sous l’impulsion d’auteurs anglo-saxons (Peristiany, 1965), l’honneur a été vu comme une caractéristique spécifique de cette région. L’honneur a ainsi été pendant longtemps retenu comme l’un des éléments les plus prégnants d’une supposée unité culturelle méditerranéenne des sociétés de l’Europe du Sud et du monde islamique. Presque toujours associé aux concepts de prestige, de réputa- tion, de courage et de protection, l’honneur a pourtant recouvert des fonctions diverses selon les auteurs et les contextes à partir desquels ce concept a été élaboré. Au-delà de ces différences, les auteurs se sont tous accordés pour attribuer au code de l’honneur, outre sa spécificité proprement méditerranéenne, un caractère clairement masculin en opposition à la honte ou à la pudeur féminine. L’honneur serait lié à la honte-pudeur dans un complexe propre à l’opposition et aux rela- tions entre les sexes. Dans cette perspective, la respectabilité des hommes pren- drait sa source dans la défense de son propre honneur et de celui de sa famille (ce qui implique un strict contrôle sur les membres féminins de la famille), alors que les femmes devraient préserver leur pureté sexuelle. Ainsi, la relation des hommes à l’honneur est vue comme une relation active, tandis que les femmes occuperaient une position passive. À partir des années 1980, de fortes critiques ont cependant été portées contre une telle conception du code de l’honneur en Méditerranée. Michael Herzfeld (1980) a vu le concept d’honneur comme un terme redondant qui « a introduit un élément de nominalisme » (p. 340). Partant d’un exemple grec, cet auteur a démontré que le lexique de l’honneur et de la honte dissimule, plus qu’il ne l’explique, les propriétés essentielles des distinctions sociales sous-jacentes dans chaque contexte social particulier (p. 346). L’incohérence dans l’étude des valeurs méditerranéennes est donc due à la fusion sommaire des traductions dans les termes d’honneur et honte plutôt qu’aux terminologies locales (p. 348).

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