Harraga | Charef, Mohamed

Harraga 616 phénomène des harragas, avec son lot de morts et de disparus, est devenu une question récurrente en Méditerranée et une expression courante dont l’origine maghrébine n’est pas difficile à imaginer, sans risque de se tromper. Toutefois, la migration irrégulière n’est pas nouvelle dans la littérature internationale : déjà dans les années 1920, on parlait de clandestins marocains transitant par Oran ou Alger pour Marseille. On trouve le même phénomène depuis les années 1960, en Amérique latine – notamment parmi les Mexicains qui traver- saient les frontières pour entrer aux États-Unis. On a assisté au même phéno- mène, qualifié de « boat people » dans les années 1970, pour les Asiatiques, en particulier des Vietnamiens qui tentaient d’entrer en Europe. Puis les Cubains dans les années 1980 qui gagnaient les côtes des États-Unis. En Afrique, des centaines de personnes venant de l’Érythrée sont en Somalie dans la corne de l’Afrique de l’Est et tentent de gagner le Yémen pour entrer dans les pays du Golfe. Le phénomène des harragas est un sujet à la fois d’actualité touchant les rapports entre les rives nord et sud de la Méditerranée, et persistant depuis le milieu des années 1980 et l’instauration des visas ; il concerne un grand nombre de pays, avec un bilan macabre de victimes. La littérature actuelle fait appel à une série de notions pour l’observation de ce phénomène, souvent traduites par « migration clandestine », « sans papiers », « sans documents » et « migration illégale » ou « migrant non autorisé ». Dès lors, on a tendance à écrire aussi « migrant clandestin, migrant illégal ». La confusion s’installe avec l’inclusion des notions de « traite » et de « trafic » des migrants. C’est aussi la différence entre human trafficking et smuggling : le pre- mier est traduit par les spécialistes par « traite d’êtres humains » et le second par « trafic illicite de migrants ». Il est vrai que smuggling a pour origine le sens de « contrebande », utilisé notamment pour des produits, des marchandises. Afin d’éviter d’assimiler les êtres humains aux marchandises, l’expression « tra- fic d’êtres humains », ou simplement « trafic de migrants », est recommandée dans les écrits des spécialistes. De nouveaux termes à usage local deviendront familiers sous d’autres cieux et s’imposeront aux chercheurs comme aux journalistes : c’est le cas par exemple de pateras (terme espagnol désignant une embarcation plus ou moins rus- tique), des cayucos (bateaux traditionnels de pêcheurs sénégalais, utilisés par les migrants pour traverser vers les Canaries), de La Bestia (« La Bête » ou « train de la mort » : train de marchandises mexicain qui transporte également les clandes- tins latino-américains voulant tenter leur chance aux États-Unis), de « coyote » ou des polleros (passeur de clandestins entre le Mexique et les États-Unis), de Wetback (« dos mouillé », surnom donné aux immigrants clandestins qui tra- versent à la nage le Rio Grande pour passer du Mexique aux États-Unis) ; leurs devises évoquent l’amertume, le désespoir et la détresse comme en pulaar :

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