Harraga | Charef, Mohamed

Harraga 615 Harraga De toutes les régions de migrations de par le monde, la Méditerranée en général et la Méditerranée occidentale en particulier présente la zone la plus dynamique des mobilités internationales, avec une diversification des profils de migrants et une diversification des raisons de migrer. La migration dont il est question ici s’insère dans une épaisseur historique séculaire, répondant aujourd’hui aux disparités économiques, démographiques et géopolitiques que l’on peut rencontrer entre les deux rives. Edgar Morin (1995) écrit à propos de la Méditerranée : « Cette mer constitue l’une des plus éloquentes lignes de frac- ture entre le Nord opulent et le Sud dépendant. » En effet, à quelques excep- tions près, comme c’est le cas notamment d’Israël au sud et de l’Albanie au nord, tous les indices des différences de niveau de développement soulignent cette coupure tangible : pnb par habitant, indice de développement humain, taux de scolarisation. Il y a également une fracture béante d’ordre géopolitique et démographique, renforçant de fait une immigration délicate à définir, à quanti- fier et à approcher, mais vecteur d’échanges et de circulation en Mare Nostrum , qui demeure paradoxalement un espace d’échanges et de clivages, mais dans tous les cas, une interface fertile. Cette forme d’immigration, que l’on ne sau- rait couper de l’arrière-bassin d’emploi que constitue l’Afrique de l’Ouest, par- ticipe à la formation de réseaux continentaux dépassant largement le cadre de la mer Intérieure et de ses rivages. Pour les nombreux candidats à l’immigration, la frontière est devenue un obstacle qu’il faut affronter et un lieu qu’il faut plus tenter de contourner que de traverser. Au risque de séjourner dans les zones de transit dans l’attente d’une expulsion au mieux, ou d’y laisser la vie. Par définition, on ne saura jamais combien sont effectivement entrés irrégulièrement sur le territoire de l’Union européenne, ni le nombre de disparus lors de tentatives de traver- sées de la Méditerranée. Ils ne peuvent faire l’objet d’aucun enregistrement, ni être dénombrés à partir de sources administratives, mis à part les arrestations et les corps repêchés ou récupérés sur les côtes au pire. En même temps, le

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=