Géographie | Cattedra, Raffaele

Géographie 592 économiques, démographiques ou sociales concernant la Méditerranée ne sont que la recomposition partielle de banques de données produites par subdivisions de type continental, subrégional ou d’aire culturelle (Europe, Europe du Sud ou méditerranéenne, monde arabo-musulman, Maghreb, Proche-Orient, Asie Mineure, Balkans, Anatolie…). D’ailleurs, en 1995, à partir du constat de condi- tions géographiques similaires (fermeture, dimension, présence de détroits, mor- cellement des pays riverains, diffusion de zones franches…), L’Espace géographique publie les actes d’une rencontre sur la pertinence de l’usage du concept de « médi- terranée » dans d’autres régions du monde (méditerranées caraïbienne, cino-­ malésienne, baltique, du golfe Persique, de la mer du Japon-mer d’Okhotsk…) ; un débat qui voit camper sur des positions différentes, par le biais de modèles ( chorotypes ou chorèmes ), des géographes de renom (Brunet, Dollfus, Gentelle). Plusieurs faits ont façonné la généalogie et l’« invention » de la Méditerranée en tant que produit idéologique et objet géographique, comme l’ont montré divers auteurs dans une perspective déconstructiviste (Bourguet et al ., 1998 ; Deprest, 2002) : découvertes, colonialisme et production du savoir géographique ; dominations, affrontements militaires, exploitation des ressources et entre- prises commerciales ; avancées technologiques ; valeurs et imaginaires collectifs ; migrations et brassages de populations ; structuration des États et naissance d’institutions supra-étatiques (l’Union européenne) ; conscience des problèmes environnementaux communs aux pays riverains ; projet politique (depuis le Système de la Méditerranée, formulé par le saint-simonien Michel Chevalier en 1832, à l’Union pour la Méditerranée, promue par Nicolas Sarkozy). Depuis ses appellations d’origine gréco-romaine ( Mare Nostrum et Grande Mer), la « mer du milieu » a pris divers siècles pour s’ériger sous le nom propre de « Méditerranée ». L’adjectif mediterraneus signifiait en effet à l’époque de Jules César et de Cicéron « ce qui est au milieu des terres », donc ce qui est « continental » et bien loin de la mer : en ce sens, des auteurs du milieu du xix e siècle pouvaient désigner Moscou comme une « ville méditerranéenne » de l’Europe. Fondamental est le passage de l’adjectif générique à celui qui sera réservé à cette mer, qui s’opère entre la fin du Moyen Âge et le xvi e siècle, pour arriver au substantif Mediterraneus (Méditerranée en français, Mediterraneo en italien, Mediterráneo en Espagnol, Mittelmeer en allemand ; Bahr al-Abiad al Mutawassit , « mer blanche du milieu », en arabe ; Akdesiz , « mer blanche », en turc), qui lui attribue une identité propre. Cet usage, adopté en latin (au mas- culin) par Isidore, évêque de Séville au début du vii e siècle, reste donc désuet, sauf rares occurrences, durant un millénaire, jusqu’à la période des Lumières. C’est au géographe anarchiste Élisée Reclus (1830‑1905) que l’on doit l’une des premières élaborations à peu près conscientes d’une géographie moderne de la Méditerranée, qui ne se borne plus seulement à la mer et prend en compte

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