Galères | Zysberg, André

Galères 577 Galères « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » demande Géronte dans Les Fourberies de Scapin . Cette fameuse réplique d’une pièce de Molière évoque l’en- fermement et le travail forcé en mer. La Méditerranée est alors perçue comme espace de danger et d’asservissement à la volonté d’un roi ou d’un chef de guerre qui contraint des rameurs enchaînés à voguer sans fin sur un navire. L’expression « c’est la galère » est même redevenue à la mode pour désigner une corvée pénible ou un sort calamiteux. Le cinéma contribue à renforcer cette représentation. Voici le malchanceux Ben Hur réduit en captivité sur une galère romaine, le dos zébré de coups de corde, tandis que le chef de bord ordonne : « Cadence d’épe- ronnage… » Ou encore l’acteur Pierre Fresnay incarnant Monsieur Vincent, ce prêtre canonisé sous le nom de saint Vincent de Paul, qui fut aumônier réal des galères de France au xvii e siècle, et prit la place d’un galérien défaillant sur son banc afin de lui venir en aide au nom du Christ souffrant. Voilà autant d’images associant la Méditerranée d’autrefois à la perte de liberté et au travail forcé. Certes, la condition des hommes de rame, quelles que soient les époques, ne fut jamais idyllique. Néanmoins, il faut se méfier des clichés et remonter le temps, avec les recherches des archéologues et des historiens. Bâtie selon des techniques que l’on ne peut qualifier de primitives, qui supposent néanmoins tout un savoir-faire en matière de construction navale et de navigation, la galère représente un système homme-machine, associant la force musculaire de l’homme à un appareil de propulsion. Qu’est-ce qu’une galère ? Si nous l’appliquons aux navires de l’Antiquité, ce mot est parfaitement anachronique. Disons qu’il s’agissait d’une famille de navires plutôt destinés au combat sur mer, ce qui n’excluait pas le transport des passagers et des marchan- dises de faible encombrement, comme on le voit sur les bateaux funéraires égyp- tiens, telle la fameuse barque de Chéops, découverte en 1954, dont les pièces furent façonnées en bois de cèdre, qui devait mesurer une quarantaine de mètres de longueur et 6 mètres de largeur. Les anciens Grecs parlaient de « navires longs », à cause de leur forme très effilée, aussi de « navires noirs », en raison de la couleur

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