Fromage | Angioni, Giulio

Fromage 565 fil à retordre à Charles de Gaulle qui affirmait qu’« il était difficile de gouverner un pays dans lequel il y avait autant de fromages que de jours dans l’année ». Dans l’ancienne tradition méditerranéenne fondée sur les aliments farineux, l’équilibre alimentaire le plus élémentaire reposait sur deux piliers : le pain d’un côté, et de l’autre ce qui accompagne le pain, c’est-à-dire le plus souvent le fro- mage. Au cœur du paradigme pan-méditerranéen de culture, d’élevage et d’ali- mentation se trouvait, et se trouve aujourd’hui encore dans une moindre mesure, le blé. Venaient ensuite les légumineuses, la viande en très faible quantité, les matières grasses le plus souvent d’origine végétale (l’huile d’olive) et en de rares occasions d’origine animale (généralement de porc d’élevage domestique, sauf dans les zones de religion islamique). Les savoirs alimentaires et diététiques médi- terranéens se répartissaient en pratiques caractérisées par des formes rigides de fonctionnement, modérées par certaines marges de tolérance. Les variations du paysage agropastoral témoignent aujourd’hui encore de façon vivace des diffé- rents modes d’intégration de ce système d’alimentation fondé sur le pain et les aliments farineux : quelques vignes pour une dose de calories aussitôt assimi- lables via la consommation quotidienne de vin, quelques jardins potagers d’été pour l’apport en vitamines, quelques oliveraies pour l’huile d’olive et sa concen- tration en matière grasse végétale. L’abondance des zones de pâturage perma- nentes et de l’élevage ovin ne doit pas nous faire oublier que la consommation de viande (d’agneau, de porc ou de mouton) chez les masses paysannes et la plèbe urbaine demeurait secondaire, voire exceptionnelle. De même, la consomma- tion de fromage et autres laitages était parfois marginale comparée à celle du pain, et cela pas seulement en périodes de pénurie. Quant au poisson, il n’était globalement pas consommé de façon régulière. Si, en France, il est un proverbe qui rappelle qu’« une table sans fromage est une belle à qui il manque un œil », dans certaines régions comme en Sardaigne, en Sicile et en Corse, le plat idéal d’un jour festif se composait jusque tout récemment exclusivement de pain, de fromage et d’un verre de vin. Les traditions médico-diététiques méditerranéennes considèrent encore communément le lait et ses dérivés comme des denrées particulièrement « échauffantes ». Comme pour la saucisse et le jambon cru, on apprenait aux enfants à manger le fromage lentement, par petites bouchées et accompagné de grands morceaux de pain. Dès leur plus jeune âge, dans les champs mais aussi en famille ou dans les auberges, les garçons apprenaient la technique de la coupe simultanée du pain et du fromage, à l’aide d’un couteau à cran d’arrêt, sans aucun support ni aucun autre ustensile. Partout, de nouvelles traditions et de nouvelles variétés de fromages s’im- posent par-delà les frontières et au détriment parfois des coutumes locales, comme en témoigne la tendance en Italie et en Espagne à conclure un repas à la française par une sélection de fromages. Quoi qu’il en soit, s’il arrive que le

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