Fascisme | Mourlane, Stéphane

Fascisme 529 crise économique et sociale un terreau fertile. À partir de l’été 1920, les violences squadristes déstabilisent une démocratie libérale encore fragile. Les chemises noires, armées de gourdin (manganello) et d’huile de ricin qu’ils font ingurgiter à leurs adversaires, s’en prennent dans les campagnes aux organisations paysannes et aux coopératives socialistes tandis que, dans les centres urbains, la gauche est sans cesse visée (sièges des partis et de journaux, lieux de réunion). Dans le même temps, le Parti national fasciste ( pnf ), fondé en novembre 1921, intègre le jeu politique institutionnel en présentant des candidats aux élections. Si les résul- tats sont décevants, l’agitation squadriste et l’incapacité de l’État à imposer son autorité créent des conditions qui placent les fascistes en position de s’emparer du pouvoir. La Marche sur Rome, à la fin du mois d’octobre 1922, apparaît dès lors comme la mise en scène d’une prise du pouvoir par la force alors que celui-ci est accordé en toute légalité avec l’appel lancé à former un gouvernement par le roi Victor-Emmanuel III à Mussolini. La dictature n’est véritablement instau- rée que par les lois fascistissimes de 1925‑1926, tandis que le régime connaît, à la fin des années 1930, une radicalisation qui s’exprime notamment par l’adoption d’une politique antisémite. La dictature laisse subsister les anciens cadres institutionnels ; Mussolini concentre néanmoins l’essentiel du pouvoir et opère une fascisation de l’État : les fascistes occupent les postes clés à tous les échelons, au point que les prérogatives étatiques se confondent avec celles du pnf , parti unique. L’organe suprême de l’État est significativement le Grand conseil du fascisme qui rassemble les ministres, les responsables du parti et les dignitaires du régime. La répression sévère orchestrée par une police politique (Organizzazione per la vigilanza e la repressione dell’antifascismo, ovra ) inter- dit toute opposition : quand ils échappent à l’emprisonnement et à la dépor- tation, les opposants doivent s’exiler. La vie culturelle et intellectuelle est, par ailleurs, étroitement surveillée. Le contrôle des esprits passe aussi par une pro- pagande intensive ; la figure du guide (Duce) , incarnation de la nation, en est le cœur et fait l’objet d’une mise en scène visant à susciter un culte, socle d’une nouvelle religion laïque. Unis derrière le chef, les Italiens doivent être convain- cus que « Mussolini a toujours raison ». L’adhésion de la population au régime se fait également par un encadrement serré d’une grande partie de la société. Dès leur plus jeune âge, nombre d’Italiens sont embrigadés dans des organisations paramilitaires (Opera nazionale Ballila). Une fois adultes, ils sont soumis dans leur activité professionnelle au système corporatiste, qui substitue aux syndicats des regroupements par branches d’activités entre patrons et employés. Leurs loisirs sont pris en charge par l’organisation « Après le travail » (Dopolavoro). L’instrumentalisation des activités sportives, en confondant, dans ses objectifs, encadrement de la population, propagande et transformation de la société, est également révélatrice d’une « culture totalitaire ».

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