Empire | Grenet, Mathieu; Rappas, Alexis

Empire 460 Empire La catégorie d’« empire » opère sur deux niveaux, ontologique et typologique, et son usage présente donc un enjeu à la fois historique et historiographique. Si de par le monde et à travers les âges de nombreux États se sont eux-mêmes qua- lifiés d’« empires » ou ont été ainsi perçus par leurs rivaux, les sciences sociales (histoire, sciences politiques, économie) en ont étendu le champ d’application à des formations politiques ou à des regroupements d’intérêts économiques qui ne se pensaient pas toujours en termes impériaux. Prise dans sa double acception historique et historiographique, la catégorie d’empire tire son étymologie d’une grammaire politique empruntée à la Rome antique. Plus précisément, le terme dérive de l’ imperium , le pouvoir judiciaire et militaire dévolu aux rois puis aux consuls de la Rome antique. Originellement limité dans le temps et l’espace, ce pouvoir d’envoyer des hommes à leur mort – que ce soit par la guerre ou par l’exécution d’une sentence capitale – ne pouvait s’exercer qu’en dehors de Rome, et sur la seule durée du mandat consulaire. Il s’agissait ainsi d’un attribut de la dignité et de la fonction politique, et non d’un droit attaché à la personne du souverain. Cette distinction s’érode pourtant à la chute de la république romaine : sous Auguste (27 av.-14 apr. J.‑C.), l’ imperium est ainsi périodiquement renouvelé, au point de se fondre avec les prérogatives du Princeps civitatis , puis d’être attribué à l’ imperator à titre viager à partir de Tibère (14‑37 apr. J.‑C.). Une rupture intervient avec la conversion au christia- nisme de Constantin I er (306‑337 apr. J.‑C.). Le pouvoir impérial s’arroge alors une légitimité divine, évolution qu’avait appelée de ses vœux Origène un siècle auparavant, lorsqu’il affirmait que Dieu avait préparé les nations pour l’arrivée du Christ en les regroupant sous un seul souverain, le basileus romain. À la suite de la chute de Rome au v e siècle, c’est sous l’« Empire romain d’Orient » que cette caution divine sera systématiquement invoquée et ritualisée. Avec le Corpus iuris civilis promulgué sous Justinien (527‑565) en 534, les préceptes chrétiens inves- tissent un droit romain dont ils sacralisent la source, en l’occurrence la volonté de l’empereur, pour donner naissance au césaropapisme.

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