Élevage (caprins et ovins) | Bourbouze, Alain

Élevage 453 escarpés, mais est moins sensible au froid humide que la chèvre qui, par ailleurs, montre des dispositions étonnantes en milieu désertique) ; c) complémentarité des performances et des produits lait, viande, peau, poils, laine (la chèvre est plus prolifique et meilleure laitière, même sur des parcours pauvres ; le mou- ton présente de plus fortes vitesses de croissance). Le « rapport ovin/caprin » va ainsi varier en fonction de l’écosystème. Il y a plus de caprins en zone forestière de montagne ou vers les régions arides, plus d’ovins en steppe herbacée et dans les régions agricoles. Ce n’est certainement pas un hasard si le troupeau mixte se maintient dans les économies de subsistance des zones les plus pauvres du bas- sin méditerranéen où l’autoconsommation revêt une grande importance, et où la complémentarité des espèces est un formidable atout. Mais partout ailleurs la spécialisation va s’imposer et séparer les ovins des caprins. Sur un tout autre plan, celui des symboles, du religieux et des rituels, moutons et chèvres sont souvent évoqués au fil de l’histoire. Dès les toutes premières reli- gions, en Égypte, dans la Grèce antique, on trouve, parmi de multiples exemples, le bélier (symbole du dieu Amon) la chèvre (Zeus et Amalthée, Pan mi-homme, mi-bouc). Pour les trois grandes religions monothéistes, nées comme on le sait en Méditerranée, les références sont multiples : les moutons et les chèvres sont les premiers animaux cités dans l’Ancien Testament, l’agneau devient le symbole de la pureté et de l’innocence, l’agneau de Dieu (Agnus Dei) désigne le Christ, victime sacrificielle expiant les péchés du monde. Si le bouc, symbole de la lubri- cité et de la vitalité débordante, est souvent considéré d’une manière négative, la chèvre est très respectée en tant que nourricière. À la tête des troupeaux, le ber- ger est plein de sollicitude et symbolise la tendresse du pasteur (d’âmes) pour ses « ouailles » ; d’ailleurs la plupart des patriarches (Abraham, Jacob, Moïse...) et Muhammad sont des bergers. Quant au mythe du sacrifice d’Abraham (Ibrahim chez les musulmans), il est partagé par les trois religions du Livre : après que l’ange Gabriel (Jibril) eut retenu la main d’Abraham qui, sur ordre de Dieu, allait sacrifier son plus jeune fils Isaac (en islam, c’est Ismaël, le fils aîné), un bélier sera au dernier moment substitué à l’enfant ainsi épargné. Cet épisode est maintenant fêté chez les musulmans lors de l’Aïd el-Kebîr, la « fête du mouton ». Chaque chef de famille, pour peu qu’il en ait les moyens, se doit d’égorger un mouton – voire un jeune bouc dans les régions arides ou forestières –, acheté quelque temps auparavant, nourri et choyé amoureusement. Cette commémo- ration aux dimensions multiples, symboliques, culturelles, sociales, a des inci- dences technico-économiques non négligeables sur les marchés et la conduite des unités d’exploitation qui doivent caler leur offre en antennais (agneaux de 1 à 2 ans) sur une date qui remonte les saisons (le calendrier lunaire musulman compte 12 jours de moins que le calendrier grégorien ; la fête se tient donc le 14 octobre 2013 puis le 2 octobre 2014, et en plein été vers 2020, etc.) : près de

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=