Échelles du Levant | Buti, Gilbert; Raveux, Olivier

Échelles du Levant 434 Après une période troublée par les actions des corsaires barbaresques en Méditerranée et les affrontements religieux au sein de la Chrétienté, le roi Henri IV, qui entend restaurer le commerce français du Levant, dépêche à Constantinople l’ambassadeur François Savary de Brèves pour obtenir de Mehmet III la signa- ture de nouveaux textes confirmant les anciens privilèges et en octroyant de nou- veaux. Telles qu’elles ont été amendées au xvii e siècle, les Capitulations accordent quatre garanties fondamentales aux étrangers : le droit de résidence, la liberté du culte chrétien, l’inviolabilité du domicile et la transmission des biens par héri- tage. Cependant, dans la première moitié du xvii e siècle, la longue guerre contre l’Espagne, les troubles liés à la Fronde et l’insuffisante délimitation des pouvoirs conduisent à laisser l’administration des échelles dans une situation confuse et de quasi-autonomie à l’égard du pouvoir central ; la nation de l’échelle forme alors une sorte de petite république, apparentée aux communautés urbaines des pays méditerranéens, avec son administration, ses finances, sa police, sa justice et un chef ou consul, censé être un agent du roi. Au vrai, le faible intérêt du Conseil du roi, qui avait pourtant le droit d’intervenir dans leurs affaires, laisse les Échelles du Levant sous la dépendance de la chambre de commerce de Marseille. L’organisation est reprise en main sous le règne de Louis XIV par Colbert, Seignelay et Pontchartrain. Des lois fondamentales dotent les échelles – en dis- tinguant clairement celles de Barbarie et du Levant – d’un nouveau régime et placent leur administration sous l’autorité du secrétaire d’État à la Marine. Localement, l’ambassadeur de France à Constantinople est chargé de la protection des échelles, comme de celle des communautés religieuses (franciscains, carmes, capucins ou jésuites) qui desservent les Lieux saints, et du règlement des éven- tuels conflits locaux. Le consul, informateur du ministre dont il dépend direc- tement, est le juge, le protecteur et l’administrateur de la nation . Il reçoit des autorités métropolitaines les lois, règlements, instructions et décisions dont il fait afficher les textes dans sa chancellerie et veille à leur bonne observance. Officier de justice du roi, il est chargé de la liquidation des successions et des banque- routes ; les conflits entre marchands, les disputes personnelles ou les contesta- tions d’intérêts relèvent également de son arbitrage. Dans ses multiples tâches, le consul est assisté d’un chancelier et de drogmans ou truchements. Le premier tient le registre des délibérations de l’assemblée, des procédures du consul, des comptes de l’échelle, recevant les papiers des capitaines en escale (manifestes, connaissements). Il authentifie également des contrats, des conventions et des délégations de pouvoirs (obligation ou hypothèque maritime, procuration…). Il est tout à la fois secrétaire, archiviste, comptable, greffier et notaire de la nation . Les drogmans jouent un rôle considérable comme interprètes attitrés du consul, le remplaçant parfois lors de certaines audiences ou missions. D’abord recrutés sur place, les drogmans barataires – du nom du brevet ou barat délivré dans les

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