Eau (gestion de l'eau) | Wateau, Fabienne

Eau 406 roues élévatrices, norias à traction animale ou saqyia – remplacées aujourd’hui par les motopompes) ; pour retenir (citernes, réservoir, bassins, fontaines, barrages) ; pour acheminer (canaux, acequia , galeries drainantes, qanât , khettaras , foggaras , minas , aqueducs – et aujourd’hui transferts, tuyaux, goutte-à-goutte) ; pour par- tager (clepsydre, conque, jauge, canne, celemim , partiteur, pierre de partage – et désormais compteurs) ; pour laver (lavoirs, bains, hammams, thermes, bénitiers, sanctuaires) ; voire pour « créer » l’eau douce aujourd’hui par le recours aux res- sources non conventionnelles (usine de dessalement, recyclage des eaux usées, pui- sage des eaux fossiles). Les canaux de Bosra (Syrie) ou le réservoir monumental de Tyros (Jordanie), les qanât andalous, l’aqueduc d’Elvas (Portugal) ne sont que quelques exemples parmi les possibles. À la diversité des situations techniques, géographiques et climatiques se combine une diversité des modes d’organisation et de partage de l’eau. Rare ou abondante, l’eau est toujours précieuse. C’est ce que montrent les anthropolo- gues dans leurs recherches réalisées aussi bien sur des oasis (Bedoucha, 1987) que sur des systèmes gravitaires en excès (Wateau, 2002). La quantité ne suffit jamais à expliquer totalement l’ensemble des enjeux articulés autour de l’eau. Car celle-ci s’inscrit au cœur de situations bien plus complexes, où les terri- toires, les religions, les relations amont/aval, les tensions déjà existantes entre pays frontaliers ou avec le pouvoir central, les valeurs, les représentations et les usages exercent un rôle plus prépondérant encore. Certains historiens n’hésitent d’ailleurs pas à proposer des hydro-histoires qui, suivant l’eau dans l’ensemble de ses intrications avec la société, retracent l’histoire complexe d’une ville comme Murcie ou Jérusalem (Lemeunier, in Cressier, 2006 ; Lemire, 2011). Pour une bonne gestion de l’eau, c’est donc de l’ensemble de ces variables qu’il faut tenir compte, ce que la mise en place d’aménagements hydrauliques monumentaux édifiés par les États au xx e siècle, essentiellement (barrages, canaux de transfert, modélisation), n’a pas toujours considéré à bon escient. Ces aménagements s’ins- crivent dans le cadre d’une politique de l’offre, parfois au-delà du raisonnable, précise le géographe Michel Drain (2003), politique qui favorise des usages agri- coles sans cesse croissants. L’irrigation reste présentée comme un progrès alors qu’elle peut avoir des conséquences dramatiques en matière d’environnement. Jusqu’alors, avec les systèmes traditionnels, c’est à une politique de la demande que répondaient les infrastructures. Aux côtés et/ou en combinaison de ces grands aménagements, certaines socié- tés du pourtour méditerranéen maintiennent leur mode de gestion propre, pou- vant s’articuler autour de communautés d’irrigants, d’associations, de lignages, ou de quelques ayants droit à l’eau. Les règles et logiques sont spécifiques et adaptées à l’environnement physique et social considéré. Ces règles peuvent être écrites, recensées dans des archives, contrôlées. Ou bien relever du droit

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