Divination | Crippa, Sabina

Divination 387 divination n’a pas seulement l’ambition de prédire l’avenir. Elle prétend décryp- ter l’univers comme s’il s’agissait d’un texte où se trouverait inscrit l’ordre du monde, d’une tablette sur laquelle les dieux auraient tracé les destins. Dans les procédures spécifiques, la divination a pour objet des séquences de faits parti- culiers. Or, à travers les procédures qu’elle leur applique, elle les traite selon une logique générale qui conduit à exclure le hasard, sur le modèle de relations struc- turelles d’homologie et de correspondance, inscrites et repérables dans un seg- ment d’espace. Pour déchiffrer ces configurations spatiales, la divination retient et isole des parties du ciel, des aspects du visage et du corps, des combinaisons de dés, de coquilles, de cartes. À partir de l’agencement interne de ces objets ou collections d’objets, qui lui apparaissent comme des reflets à petite échelle de l’ordre cosmique total, elle infère des conclusions assurées concernant des évé- nements. Dans cette procédure, le dieu n’intervient jamais, le devin agit comme un homme de science. De plus, les lectures sont transcrites dans des traités divinatoires construits exactement comme les « codes » ; les « cas » proposés se trouvent tous coulés dans un même moule logique et stylistique : une protase, introduite par « si » au passé, suivie d’une apodose au « futur ». Une telle pra- tique divinatoire a été importée par l’aruspicine étrusque ainsi que la littéra- ture astrologique ou oniromantique. À l’époque hellénistique, et surtout dans l’Empire romain, les devins et les astrologues portaient le nom de « Chaldéens ». La « discipline étrusque », en particulier l’examen des entrailles des animaux en tant que microcosme que l’on fait correspondre aux parties du ciel où siègent les divinités, jouissait d’un tel prestige que les Romains faisaient appel aux arus- pices, même pour les affaires privées. Si la culture romaine hérite de la Sibylle, personnage central de la tradition orale de la Méditerranée grecque, Rome évite la divination inspirée, au moins en tant que pratique orale. C’est l’interprétation technique des énoncés des Libri sibillini qui reste centrale. Cette forme indirecte et contrôlée de dialogue avec la divinité convient parfaitement au scénario théologique romain où la consul- tation des dieux n’est pas un dialogue entre l’officiant et le dieu. Ainsi les Livres sibyllins devaient être consultés et interprétés en secret par un haut collège de magistrats à l’occasion de l’apparition de signes. Le dieu parle seulement à tra- vers la technique versificatrice – écrite – des quindecemviri , qui deviennent en quelque sorte des cruciverbistes et des poètes hexamétriques devant commu­ niquer l’oracle au Sénat. La présence de l’écriture relève de la fonction institu- tionnelle qu’elle assume à Rome. Car la tradition des Livres sibyllins se conjugue ainsi avec la tradition plus strictement italique et très répandue des sortes , les tablettes gravées et tirées au sort pendant les consultations oraculaires. Aux dif- férentes procédures correspondent des figures distinctes d’opérateurs rituels, les devins, relevant du rôle de la divination dans la société.

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