Décolonisation | Rappas, Alexis

Décolonisation 335 Décolonisation Définition et enjeux épistémologiques Dans son sens le plus commun, la « décolonisation », terme dont l’utilisation en français est popularisée par l’ouvrage d’Henri Labouret Colonisation, colonialisme, décolonisation (1952), désigne le processus par lequel une société s’extrait ou est extraite de sa situation de dépendance coloniale vis-à-vis d’une métropole. Cette caractérisation générale appelle deux observations préliminaires. En premier lieu, toute définition de cette notion dépend de la signification que l’on accorde aux deux termes – « colonie » et « métropole » – de la relation dont la « décolonisa- tion » est censée exprimer la dissolution. S’il est d’usage d’en circonscrire le champ d’application à l’émancipation des dépendances européennes d’outre-mer (pro- tectorats, colonies et condominiums), à partir de l’indépendance des treize colo- nies d’Amérique du Nord, la notion de décolonisation a été utilisée de manière plus controversée pour désigner l’accès à l’indépendance de certaines provinces des Empires russe, ottoman et des Habsbourg, voire des « satellites » de l’ urss . Ces questions déjà soulevées dans les années 1950 nous invitent donc à recon- sidérer ou du moins problématiser les limites géographiques, culturelles et chro- nologiques de l’applicabilité de la notion de décolonisation. Par ailleurs, il faut noter que la décolonisation est une catégorie qui opère à deux niveaux, descriptif et analytique. En tant que simple catégorie descriptive, cette notion doit se décliner au pluriel : la variété des décolonisations reflète en effet la diversité des situations coloniales. Mais la décolonisation est également un concept dont la valeur heuristique et les profondes nuances connotatives dépendent des contextes disciplinaires et méthodologiques dans lesquels il est employé. Ainsi, comme le suggère la substantivation du verbe « décoloniser », la décolonisation peut se référer à un processus d’émancipation des anciennes colonies qui s’inscrit dans le long terme, toujours en cours – face aux héritages coloniaux et à des phénomènes néo-et postcoloniaux –, se déclinant à plusieurs niveaux (politique, économique, culturel) et selon des temporalités variées.

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