Dauphin | Faget, Daniel

Dauphin 331 Déjà initiée sous la Renaissance, une approche plus rationnelle de ces petits cétacés s’impose cependant à partir du Siècle des lumières. L’identification précise des diverses espèces comme les progrès de l’océanographie contribuent alors à un désenchantement du milieu marin, peu à peu débarrassé de toutes ses représentations sacrées. La séparation du monde animal en ces deux caté- gories que sont l’utile et le nuisible, formalisée par les ouvrages scientifiques du xix e siècle, contribue à donner à la chasse aux dauphins un caractère d’utilité publique. Elle coïncide avec une crise de plus en plus marquée des petits métiers de la pêche côtière désormais concurrencés par l’importation du poisson atlan- tique et l’appauvrissement des ressources de l’étage infralittoral. L’expression d’une détestation du dauphin s’affirme fortement après 1840 de la Catalogne aux côtes ligures. Conduits dans un premier temps à l’aide de sennes par les prud’homies elles-­ mêmes, qui tentent de rendre attractive la destruction de ces mammifères par l’attribution de primes, les massacres de dauphins sont très vite appuyés par l’État et les milieux scientifiques. Des procédés nouveaux sont alors mis au point pour lutter contre les populations de petits cétacés en Méditerranée. Des filets explosifs, des pièges à appâts sont expérimentés en France au début de la décen- nie 1880 dans les golfes de Marseille et de Fréjus. La vérification de leur effica- cité est confiée à des biologistes. Dans leur laboratoire marseillais d’Endoume, les océanologues marseillais Antoine-Fortuné Marion et Paul Gourret autopsient ainsi les corps de dauphins qui leur sont confiés afin de vérifier le caractère létal des lésions occasionnées par l’ensemble de ces techniques. Face à des commu- nautés de pêche de plus en plus soulevées contre la concurrence de ces mam- mifères, la Marine française affrète au début de la décennie 1900 des torpilleurs numérotés, dont les canonnades sont réputées effrayer les dauphins à défaut de les détruire. Des fusils de guerre déclassés sont au même moment distribués par les autorités aux patrons pêcheurs des littoraux provençaux et languedociens, qui disposent ainsi d’une arme facilement utilisable lors de leurs sorties en mer. Il est difficile d’évaluer les résultats de ces politiques sur les populations de petits cétacés fréquentant les eaux littorales. À Sète, ce sont les nageoires caudales de 254 dauphins, dûment présentées aux autorités maritimes, qui permettent l’at- tribution d’une prime à leurs détenteurs entre 1904 et 1910. Le chiffre, déjà élevé, n’inclut ni les individus tués par les tirs à balle ou au canon, ni ceux vic- times des appâts meurtriers. Encore le port de Sète n’est-il pas celui dans lequel furent menées avec le plus d’opiniâtreté les campagnes d’éradication. Ce sont sans doute des milliers de delphinidés qui furent mis à mort au tournant du siècle sur les côtes méditerranéennes. À ce titre, les années de l’entre-deux- guerres n’apportent pas de changement significatif dans le comportement des populations vis-à-vis des dauphins. Tout au plus conduisent-elles à quelques

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