Contrebande | Correale, Francesco

Contrebande 290 créèrent de véritables mythes faisant tomber le substantif « contrebandier » sur des populations qui ne connaissaient pas l’Acte général de la conférence de Bruxelles et ses règlements pour le commerce des armes en Afrique, ou qui n’en reconnaissaient pas la légitimité car elles étaient dans une dynamique de résistance à la pénétration coloniale. L’emploi impropre du mot « contrebande » a ainsi contribué, au cours de l’his- toire, à sa médiatisation à travers les conférences bilatérales ou multilatérales qui visaient sa répression, ce qui en a fait parfois un délit politiquement connoté aux termes polysémiques. Le meilleur exemple en est peut-être l’Acte de la conférence d’Algésiras de 1906, par le biais duquel les États participants vidaient de sa subs- tance la souveraineté du sultan de Fès et Marrakech. L’article 13 de l’Acte final de la conférence prévoyait la prohibition de l’importation et du commerce des armes, des munitions de guerre, alors que les articles 19 à 26 fixaient les mesures punitives pour l’introduction et la tentative d’introduction clandestine des armes. Formellement, l’application des sanctions revenait au Makhzen (le gouvernement du sultan), mais l’article 30 y dérogeait, affirmant que dans la région frontière de l’Algérie et dans le Rif (région du Nord ayant un important littoral médi- terranéen) l’application du règlement sur la contrebande d’armes revenait res- pectivement à la France dans le premier cas, et à l’Espagne dans le second. Aux articles de l’Acte spécialement consacrés à la contrebande d’armes s’ajoutaient ceux concernant la répression de la fraude et de la contrebande commerciale (77 à 104), dont le numéro 103 dérogeait également à la souveraineté du sultan dans les mêmes termes que l’article 30, et tout cela malgré la présence de nom- breux dahir émanant du sultan, qui, depuis la fin du xviii e siècle, réglaient le commerce à l’intérieur du pays. La contrebande devenait ainsi un prétexte pour imposer la mainmise de la législation européenne sur l’Ouest maghrébin, donc un instrument de la politique impérialiste. C’est pourquoi, au lieu d’utiliser le mot « contrebande », il vaudrait mieux désigner les différentes manifestations de commerce non officiel par des termes plus neutres tel « trafic ». Ceci étant, les auteurs qui sont confrontés au phénomène ne se sont pas vrai- ment penchés sur la question de son herméneutique. Paul Bequet (1972) ren- voie au Code français des douanes : « La contrebande est l’exportation en dehors des bureaux d’une marchandise étrangère (art. 417). » Plus récemment, dans l’ouvrage collectif dirigé par Gérard Béaur, Hubert Bonin et Claire Lemercier (2006), ni les éditeurs dans l’introduction, ni aucun des 48 auteurs des essais (historiens pour la plupart) ne tentent d’apporter leur contribution originale sur la définition dans une perspective de longue durée. Et pourtant, si l’on observe le phénomène de la contrebande tel qu’il a été étudié au cours du dernier siècle, on peut tenter d’en esquisser les contours et les caractéristiques qui varient au fil du temps et selon les espaces.

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