Connectivité | Horden, Peregrine

Connectivité 282 qu’une « histoire de nœuds et de lignes droites », comme dans la théorie des graphes, ou sont le résultat de la géographie ou du climat. Les routes, bien sûr, traversent la terre et la mer. Mais, selon The Corrupting Sea , les rues, les pistes, les chemins de montagne, les voies maritimes et les chenaux fluviaux doivent tous être considérés comme les exemples particuliers d’un phénomène beaucoup plus large : la communication potentiellement globale et quelquefois presque sans heurt entre les microrégions méditerranéennes. Ainsi, à l’époque prémoderne, les voyages en mer ne subissaient pas autant la contrainte du vent, du courant et des saisons comme cela a souvent pu être dit. Des navigations se pratiquaient souvent « hors piste », même en hiver. Pareillement, les difficultés du transport routier ne doivent pas être exagérées, même à travers les montagnes et dans des conditions climatiques difficiles. En effet, penser en termes de connectivité nous retient de privilégier inconsciemment certaines formes de communication. Les microrégions sont « connectées » de nombreuses manières. Tout d’abord, par le mouvement des populations, des marchandises et des informations ; ces deux derniers faits, mis à part l’utilisation occasionnelle de pigeons voyageurs pour le transport de messages, sont des épiphénomènes du premier. Certains de ces mouvements auront impliqué des routes bien tracées (sur terre ou par mer). D’autres auront été plus variables. Mais les micro-écologies sont égale- ment connectées en étant mutuellement visibles et audibles. Par conséquent, nous devons tenir compte du champ de vision et d’audition, autant que de la variation des réseaux maritimes et terrestres. Les connectivités peuvent donc être tous azimuts et être également d’une portée considérable. Grâce aux contacts maritimes (qui ne peuvent être exagérés mais qui sont néanmoins essentiels aux peuples méditerranéens), une microrégion peut être davantage connectée à une autre, située à des centaines de kilomètres, plutôt qu’à sa voisine d’un point de vue géographique. Ces hauts niveaux de connectivité, caractéristiques de la majeure partie de l’histoire de la région, permettent de définir la Méditerranée. Si nous pouvions cartographier toutes les connexions, nous découvririons que la région méditerranéenne possède à la fois une unité et des traits distinctifs ; cela est dû en partie au fait qu’il s’agit d’une zone à forte introversion. Autrement dit, la connectivité entre les microrégions est généralement plus forte entre les zones côtières qu’entre ces dernières et leurs arrière-pays continentaux. Pour conclure, le premier développement d’une connectivité aussi forte date de la préhistoire et marque le début de l’histoire méditerranéenne, tout comme les configurations très différentes de connectivité entre l’Europe, la Méditerranée et le Moyen-Orient aux xx e et xxi e siècles peuvent, dans un sens, en marquer la fin. Peregrine Horden