Colonisation | Sèbe, Berny

Colonisation 267 maritime parvint à faire de la Méditerranée la Mare Nostrum des Romains, à la fois conquérants et bâtisseurs . Cette période de stabilisation politique et urbaine marque la fin d’une étape majeure dans la structuration de l’espace méditerranéen, puisque de nombreuses agglomérations littorales actuelles correspondent à des colonies phéniciennes, grecques ou romaines. L’attachement du « colon » romain à la terre est étymologiquement transpa- rent, puisque colonus vient du verbe colere (cultiver). Si la racine latine donna le français moderne « colonie » (apparu en 1308), puis « colon » (en 1355), le concept de « colonisation » n’apparut dans la langue française qu’à la fin du xviii e siècle, probablement inspiré de l’anglais colonization , qui semble lui-même être apparu en 1770 dans l’œuvre d’Edmund Burke, Considérations sur la cause des mécontentements actuels , où il est évoqué en parallèle au concept de conquête. Il n’a jamais perdu son rapport étroit à la terre, du point de vue de sa posses- sion et de sa mise en valeur, cette dernière devenant ultérieurement associée au concept de « civilisation » et de progrès. L’expansion progressive de l’Empire romain entre le iii e siècle av. J.‑C. et le ii e siècle apr. J.‑C. créa un espace unifié autour du bassin méditerranéen, qui devait son existence même à la pratique d’une forme de colonisation avant la lettre. En dépit des tentatives constantes de stabiliser l’Empire et de repousser l’usage de la violence à la périphérie, il ne résista ni à la fragmentation (scission entre l’Empire romain d’Occident et d’Orient en 395), ni aux grandes invasions barbares venues du nord-est à partir de la fin du iv e siècle. La naissance de l’islam dans la péninsule Arabique au vii e siècle de l’ère chrétienne, et son expansion ful- gurante appuyée par des armées puissantes et sûres du bien-fondé de leur projet de conversion religieuse, conduisent à l’islamisation rapide des rives orientales et méridionales de la Méditerranée, ainsi que de la majeure partie de la pénin- sule Ibérique. La retraite des populations berbères dans les zones montagneuses d’Afrique du Nord témoigne d’une réorganisation de l’espace et des hiérarchies qui apparente à une colonisation cette révolution spirituelle et militaire accom- pagnée de mouvements de populations dans le sillage de groupes armés conqué- rants. L’administration musulmane de l’Espagne, qui voit une appropriation des terres et du pouvoir au profit d’une élite allogène, apparaît comme une colonisa- tion éclairée, qui tente de coopter les éléments autochtones disposés à collaborer. C’est précisément la reconquête de la péninsule par les armées chrétiennes, et le triomphe final des « Rois catholiques », qui marquent le passage à la phase moderne des colonisations, dominées par les Européens. La découverte du Nouveau Monde voit apparaître un modèle colonial combinant des ambitions économiques, politiques et religieuses, l’équilibre entre ces trois pôles variant en fonction des nations, des périodes et même des dirigeants. Les perspectives ultra- marines offertes par les grandes découvertes qui élargissent sans cesse l’horizon

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