Clientélisme | Briquet, Jean-Louis

Clientélisme 255 Clientélisme Le clientélisme a été l’un des thèmes fondateurs de l’anthropologie sociale puis de la sociologie et de la science politique de l’espace méditerranéen. Il a été un concept déterminant pour analyser les relations de pouvoir dans cet espace, d’abord à travers les études de communautés des années 1950 et 1960 puis, dans les décennies suivantes, la réflexion sur la modernisation des États et des sociétés politiques ainsi que la question de leur démocratisation. Ce concept a permis de mieux rendre compte des liens politiques en insistant sur leurs formes concrètes, les échanges qui les soutiennent et leur ancrage dans des milieux sociaux locali- sés. Utilisé comme une catégorie descriptive de certaines interactions politiques dans des configurations socio-historiques spécifiques – et non, tel qu’il l’a parfois été, comme une catégorie évaluative du « bon fonctionnement » d’un système politique –, il reste essentiel pour appréhender les ressorts effectifs de la repré- sentation et de la mobilisation politiques, bien au-delà de l’aire méditerranéenne qui a pourtant été érigée en lieu privilégié de sa manifestation. Le clientélisme peut être défini comme un rapport entre des individus de statuts économiques et sociaux inégaux (le « patron » et ses « clients »), repo- sant sur des échanges réciproques et réguliers de biens et de services (protection et accès à des ressources rares d’un côté, loyauté et soutien politique de l’autre). Il s’établit sur la base d’un lien interpersonnel, habituellement conçu et expé- rimenté sous la forme d’une obligation morale, la reconnaissance du « client » répondant à la sollicitude de son « patron ». Ce type de rapport a été particu- lièrement observé dans les communautés paysannes de l’Europe du Sud. Au moins jusqu’au milieu du xix e siècle, il y a régi l’accès des couches subalternes aux ressources que les notables locaux (propriétaires fonciers, agents adminis- tratifs, élus) étaient en mesure de leur distribuer (terre, emplois, secours privés ou aides publiques). Pour ces notables, il a constitué un moyen de fidéliser leurs partisans, d’affirmer leur prestige et de légitimer leurs positions de domination, à travers les pratiques de réciprocité et l’idéologie du don qui les accompagne. Le clientélisme a également été un vecteur d’insertion de ces communautés