Cartographie | Arnaud, Jean-Luc

Cartographie 211 de la manière dont la normalisation des images cartographiques conditionne la structuration mentale de la connaissance. La géographie et la cartographie produites par Idrîsî sont véritablement monumentales. Elles résultent de la compilation de la plus grande part des informations alors disponibles. On y trouve la citation de plus de 4 000 lieux d’habitat, de plus de 400 noms de fleuves, de rivières ou de lacs… Mais, rédi- gée en arabe, la langue du palais de Palerme au milieu du xii e siècle, la géogra- phie d’Idrîsî est peu connue des humanistes de la Renaissance. Elle est traduite en latin en 1619 seulement. Bien avant cette date, avant aussi la traduction de Ptolémée en latin, les marins méditerranéens dressent et utilisent des cartes désignées plus tard portulan. Le mot « portulan » – que l’on trouve dès le xv e siècle sous sa forme italienne por- tolano – est tout d’abord utilisé pour désigner des livres manuscrits ou imprimés qui décrivent des routes maritimes. Ce genre se distingue des autres représen- tations par l’importance qu’il confère à l’espace maritime. Dans les documents plus anciens, de la Table de Peutinger à la carte d’Idrîsî, la figuration s’attache tout d’abord au monde terrestre, la mer est considérée comme un vide qui sépare les régions habitées et ce vide n’est pas l’objet d’attentions ni de qualifications particulières. Au contraire, les portulans sont des représentations destinées aux marins et à la navigation. À ce titre, l’espace maritime y est central. Dans un portulan, la composition est organisée à partir d’un réseau de roses des vents, au moins deux mais souvent beaucoup plus, placées de manière symé- trique en fonction du format du document et de manière indépendante des dis- positions effectives de l’espace cartographié. Depuis le centre de chaque rose, les lignes des vents – le plus souvent 16 ou 32 – sont prolongées à travers tout le champ de la représentation. Elles en constituent le fond – parfois désigné « mar- teloire » ou « lignes de rhumbs » – indispensable pour suivre une route à l’aide de la boussole, importée en Europe à la fin du xii e siècle. Sur cette base graphique, l’intérêt des cartographes est concentré sur les lignes de côtes. Elles présentent tous les chantournements que l’échelle de réduction permet de tracer. Les lieux habités ou remarquables situés le long de ces côtes sont repérés par leur nom écrit suivant une orientation perpendiculaire au rivage. Le sens de lecture des désignations varie en fonction de l’orientation de la ligne de côte, mais la plu- part des portulans porte un titre, une note ou bien des vedute qui en indiquent l’orientation principale. Ainsi, un portulan c’est tout d’abord une liste de noms de lieux distribués le long d’une ligne de rivage. Ensuite, l’auteur procède parfois au remplissage des vides disponibles de part et d’autre de cette ligne. Les régions terrestres peuvent comporter des toponymes largement étalés sur les zones géo- graphiques qu’ils désignent, ou bien des vignettes qui figurent des blasons, des étendards, des scènes de genre, des paysages, des animaux ou bien des plantes

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