Captif | Kaiser, Wolfgang

Captif 207 Dans le monde arabo-musulman et ottoman, les captifs pouvaient compter sur l’action des autorités politiques ; ils devaient mobiliser le soutien de leurs proches et activer leurs relations de clientèle. Cela laisse des traces dispersées, rarement aussi riches, comme le récit du cadi Ma’cûncizâde Mustafa Efendi de sa captivité à Malte à la fin du xvi e siècle. En Europe occidentale, l’essor d’une multitude de formes institutionnelles du rachat de captifs chrétiens reflète une expérience massive de la captivité en Europe méditerranéenne et une menace pesant surtout sur les gens de mer en Europe du Nord-Ouest. Les réponses diffèrent selon l’orientation confessionnelle. En Europe catholique, on maintient le rachat sur la base de collectes volontaires et l’on essaie de centraliser et de pérenniser les rachats au cas par cas pour éviter des missions coûteuses. En Europe protestante, on introduit (en terre luthérienne) des assu- rances ou mutuelles obligatoires pour les gens de mer ou (du côté des réformés) un système de taxation ( Argiers tax anglais) ou de vente de documents de protection (« passeport turc » néerlandais et scandinave) dont les recettes sont destinées au paie- ment de tributs, une sorte de rançon sommaire et anticipée, aux « Barbaresques ». Les archives du rachat des captifs comprennent des éléments narratifs et rhétoriques destinés à susciter la compassion et à supplier les autorités d’agir en faveur du rachat. La vie et l’œuvre de Miguel de Cervantes, captif à Alger de 1575 à 1580, sont l’exemple emblématique d’un va-et-vient inextricable entre expérience de captivité et récit fictionnel. Ainsi naît en Europe un genre litté- raire qui reflète les divergences confessionnelles et les rapports de force entre le « Turc » et les pays chrétiens. Côté catholique, la captivité est relatée comme une épreuve menant via le rachat à la liberté et au salut, et son récit est instru- mentalisé dans la propagande des ordres de rédemption. Les récits protestants présentent, eux aussi, la captivité comme une série d’épreuves mais par lesquelles le chrétien captif comme individu se fortifie dans sa foi. Or la diffusion et le succès du genre littéraire ne se résument pas à ces aspects religieux édifiants. La Relation de la captivité et liberté du sieur Emmanuel d’Aranda (1665), par exemple, présente une douce captivité, mettant en avant les aventures érotiques et les aspects exotiques et pittoresques. Répondant aux fantasmes euro- péens, le récit de captivité évolue vers un orientalisme qui pourra rire d’un « Turc » placé désormais sur une scène de théâtre et non plus devant les portes de Vienne. Wolfgang Kaiser ➤➤ Arsenal, colonisation, course, croisades, échanges commerciaux, empire, empires coloniaux, esclavage, galères, îles, juifs, Lépante (bataille de), musul- mans, mudéjares, orientalisme, postcolonialisme, stéréotypes, waqf

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