Caftan | Hitzel, Frédéric

Caftan 194 plus tard, la mode est aux caftans sans col, avec des manches longues qui tendent à se raccourcir sous le règne de Soliman le Magnifique (1520‑1566). Pour lut- ter contre le froid, certains caftans sont doublés ou bordés de fourrure (martre, lynx, hermine, renard). Les couleurs sobres cèdent la place à la couleur et à la brillance des satins, aux velours cramoisis brochés de fils d’or et d’argent. De leur côté, les dessins de style persan des xiv e -xv e siècles laissent de plus en plus la place à un style proprement ottoman développé par les ornemanistes des ateliers impériaux avec des dessins fondés sur les croissants ou les trois points, les motifs floraux. En dehors du sultan et de ses proches, les caftans les plus précieux sont les hil’at ou « caftans de protocole », un vêtement honorifique que le souverain offrait à toute personne qu’il souhaitait distinguer. À l’origine, ce don avait sans doute une dimension prophylactique, puisque le vêtement offert avait été porté par le souverain lui-même. Les tissus précieux, confectionnés dans les ateliers impé- riaux de la ville de Bursa, étaient apprêtés par les tailleurs du palais placés sous la responsabilité du chef des caftans (kaftanbachı) . Ces riches robes d’honneur étaient offertes deux fois l’an, en hiver et en été, aux plus proches ministres : grand vizir, contrôleur des finances (defterdar) , chef de la chancellerie (nichandji) , juges militaires (serasker) . Des caftans plus modestes étaient également remis aux dirigeants lors de leurs prises de fonctions, que ce soit les gouverneurs de province (vali, bey) , ou les hommes de religion comme les métropolites grecs qui gagnaient leur diocèse. Enfin, les hôtes étrangers, notamment lorsque les ambassadeurs étaient reçus par le sultan, se voyaient remettre en guise de bien- venue des caftans d’honneur, cette pratique s’étendant également aux membres de leur suite. Leur nombre variait selon l’importance des relations diploma- tiques et, à titre d’exemple, une délégation autrichienne se vit remettre 44 caf- tans, tandis qu’une délégation persane allait en recevoir 60. Ces robes d’honneur répondent également à une hiérarchie, allant du caftan le plus ordinaire aux caftans taillés dans de riches velours, satins, lampas de soie, les plus prestigieux étant ceux incorporant des fils d’or et d’argent, doublés de martre zibeline. En acceptant ce caftan avant d’être introduit en présence du sultan, le bénéficiaire se plaçait sous la protection du souverain ottoman et reconnaissait son auto- rité. Ces hil’at , qui reflétaient la richesse et la puissance de l’Empire ottoman, eurent une grande influence sur la mode en Europe, comme l’attestent des por- traits du doge Leonardo Loredan peints par Giovanni Bellini en 1501 (Londres, National Gallery) et Vittore Carpaccio (Bergame, Academia Carrara). Il ne sub- siste malheureusement que très peu de modèles de ces caftans d’honneur car, outre les difficultés de les conserver, ils étaient souvent retaillés en chasubles ou vêtements liturgiques. Au xviii e siècle, la mode des turqueries va conduire à la diffusion de divers modèles de caftans à travers la peinture, où ils sont souvent

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