Bible | Dorival, Gilles

Bible 164 mais les écrits dont il est fait sont antérieurs : les plus anciennes lettres de Paul datent de 50‑55 et aucun texte du corpus ne paraît postérieur à 130 ; la ques- tion de la date des Évangiles reste débattue : peut-être Marc est-il antérieur à la chute de Jérusalem en 70, mais peut-être a-t‑il été rédigé un peu après. Le périmètre de la Bible chrétienne a été considérablement restreint par Marcion, au milieu du ii e siècle. Il distingue entre le Dieu d’amour, père de Jésus-Christ, et le Dieu juste et vengeur de l’Ancien Testament. L’enseignement de Jésus est incompatible avec les Écritures juives. Marcion exclut des livres ins- pirés l’ensemble de l’Ancien Testament et, dans le Nouveau Testament, tous les livres et passages qui mettent en scène le Dieu juste : il ne conserve que l’Évangile de Luc et dix lettres de Paul, et encore les expurge-t‑il des interpolations qu’il considère comme juives. Par opposition, l’orthodoxie chrétienne va insister sur l’unité profonde des deux Testaments. Pour comprendre la différence entre la Bible des Sages et la Bible chrétienne, il faut encore faire intervenir le phénomène de la traduction. La Bible a été rédi- gée originellement en hébreu et, pour des parties de Daniel et d’Esdras-Néhémie, en araméen. La Torah a été traduite en grec dès le iii e siècle avant notre ère par soixante-douze ou soixante-dix lettrés juifs venus de Jérusalem à Alexandrie : c’est la Septante. La majeure partie des autres livres a été traduite au ii e siècle, mais certains ne le furent qu’au i er siècle de notre ère. Or la Septante a intégré les compléments aux vingt-quatre livres signalés plus haut, ainsi que les livres supplémentaires ou deutérocanoniques. Certains de ces compléments et de ces suppléments étaient à l’origine rédigés en hébreu, comme la première moitié de Baruch, I Esdras, I Maccabées, Siracide, Judith, Psaumes de Salomon, ou en araméen, ainsi Suzanne, Bel et le dragon, Tobit. Ils ne sont plus aujourd’hui connus que dans la traduction grecque, à l’exception du Siracide, qu’on a retrouvé en hébreu à l’extrême fin du xix e siècle, et de Tobit, dont des passages hébreux et araméens subsistent parmi les rouleaux de la mer Morte. Parmi les passages complémentaires et les livres supplémentaires, certains ont été rédigés directe- ment en grec : certaines additions à Esther, la Lettre de Jérémie, la seconde par- tie de Baruch, II-IV Maccabées, Sagesse de Salomon. La Septante regroupait donc plus de livres que la Bible hébraïque et a intégré des écrits rédigés en grec. À son tour, la Bible grecque a été traduite en latin soit en milieu juif, soit en milieu chrétien : c’est la Vetus Latina, ou Vieille Latine. D’autres traductions de la Septante ont été faites dans les diverses langues du pourtour méditerranéen. Il n’y a que la Bible syriaque appelée Peshitta et la Vulgate de Jérôme qui ont été traduites directement de l’hébreu. Cependant, toutes deux ont eu recours à la Septante pour les livres absents de la Bible des Sages. De plus, la Vulgate ne s’est pas imposée dans l’Occident latin du vivant de Jérôme, mais seulement au Moyen Âge. Aussi n’est-il pas exagéré de dire que la Bible du I er millénaire

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