Bertrand, Louis | Dusserre, Aurélia

Bertrand, Louis 160 bien encore Damas. Ses déplacements sont l’occasion d’affiner les théories élabo- rées en Algérie et de poursuivre ses réflexions sur l’espace méditerranéen. Ainsi, en 1910, dans Le Mirage oriental , résultat d’une enquête de presque deux ans en Orient commandée par la Revue des Deux Mondes¸ prend forme sa conception d’une Méditerranée figée dans une opposition irréductible entre les barbares et les civilisés, qui recoupe la distinction déjà établie entre les indigènes et les peuples latins. Face à ce qu’il juge être une menace apparaît alors la solution de l’unité latine, alliance entre la France, l’Espagne et l’Italie : la latinité est deve- nue une doctrine politique. Ces voyages méditerranéens sont aussi pour lui l’occasion d’un retour à la foi ; il publie alors plusieurs hagiographies, dont celle de saint Augustin, rééditée à plusieurs reprises. Parmi ses sujets de prédilection figure égale- ment l’Espagne, à qui il consacre des romans sur le mode picaresque, comme Cardénio, l’homme aux rubans couleur de feu , paru en 1922. Thème récur- rent de son œuvre, l’Espagne lui permet également de se faire historien : c’est grâce à elle qu’il s’intéresse à Louis XIV (1922, réédité à plusieurs reprises) ou à Philippe II (1929). À partir des années 1920, son engagement à droite, ses liens avec l’Ac- tion française et ses innombrables publications lui ouvrent l’accès aux hon- neurs : déjà chevalier de la Légion d’honneur, il est élu à l’Académie en décembre 1925 et participe à l’aventure de l’Académie méditerranéenne et du Centre universitaire méditerranéen de Nice. Installé à Antibes, il pour- suit sa vie de voyages et commence la rédaction de ses Mémoires roman- cés ( Une destinée , 6 volumes entre 1925 et 1939). Le centenaire de l’Algérie est pour lui une occasion d’exalter une nouvelle fois la présence française et l’héroïsme colonial ( Le Roman de la conquête , 1930), sans rien voir des évolutions contemporaines de la colonie. Dans la Méditerranée des années 1930, Louis Bertrand construit une histoire figée et radicalisée. Devant l’Is- lam , résultat d’un voyage au Caire, illustre son radicalisme : ses propos sur l’inégalité des races l’amènent à conclure qu’« il est temps de fermer le Bazar oriental ». Aigri et vieilli, incapable de s’adapter à un monde qu’il ne com- prend plus, il rejoint les peurs de ses contemporains en se rapprochant du fascisme italien et du franquisme. Il meurt en 1941 après avoir construit, à partir d’une expérience algérienne largement fantasmée, un système méditerranéen immobile, pensé comme un espace compartimenté, fait de peuples séparés par d’infranchissables frontières, et où les contacts sont autant de rapports de force. Aurélia Dusserre

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