Bains | Buitelaar, Marjo

Bains 143 au hammam, au cours de laquelle la mariée et le marié se préparent pour leur nuit de noces. De la même manière, la fin de la période du post-partum des jeunes mères et la fin du deuil pour les veuves sont marquées par une visite aux bains. L’expulsion des jeunes garçons d’Afrique du Nord des bains réservés aux femmes, lorsqu’ils commencent à regarder d’un œil différent la nudité féminine, marque une étape majeure dans le passage du monde social des femmes à celui des hommes. Tandis que l’impureté liée au rapport sexuel concerne à la fois les hommes et les femmes, l’impureté liée aux menstruations ou à la naissance d’un bébé est spé- cifique des femmes. Cela légitimait les passages fréquents des femmes au ham- mam, surtout dans les milieux où leur isolement était strictement respecté. En Afrique du Nord, les femmes ont tendance, encore aujourd’hui, à passer plus de temps que les hommes au hammam. C’est un lieu qu’elles affectionnent parce qu’il est le lieu de rencontre le plus public qui soit pour elles et il offre, dans le même temps, une grande intimité (Buitelaar, 1998). C’est le seul endroit où elles exposent aux yeux des autres leur corps presque entièrement nu et leur che- velure dénouée : l’intimité du hammam crée donc une atmosphère unique de relaxation, propice au tissage des liens entre femmes. Il s’agit d’un lieu où les femmes échappent au contrôle des hommes de la famille, ce qui ajoute à l’ambivalence des sentiments relatifs au hammam, surtout ceux des hommes. Dans les années 1990, en Afghanistan, les talibans ont très rapidement fait fermer les hammams des femmes. Dans toute la region moyen-orientale, certaines voix féminines ont fait entendre leurs critiques : profondément pieuses, elles ressen- taient comme un affront le fait que leurs consœurs ne cachent pas leurs parties intimes. Cette sensibilité est révélatrice de l’influence de la modernisation et de l’indi- vidualisation des pratiques et des idées. Cette influence surgit en même temps qu’une inquiétude grandissante vis-à-vis du manque d’hygiène des hammams. Il est de plus en plus fréquent de voir les gens venir avec leur propre tabouret ou leur propre tapis pour s’asseoir et éviter tout contact physique avec les autres. Ceux qui vivent dans des maisons récentes équipées de salles de bains préfèrent prendre leur bain chez eux. Par ailleurs, le style de vie très actif des travailleurs modernes ne leur permet pas de passer de longues heures, chaque semaine, au hammam. Pourtant, surtout pour des hommes et des femmes d’affaires très occupés, un passage occasionnel au hammam permet de passer un moment de détente. Actuellement, les bains publics font leur retour parmi l’élite cosmo­ polite, en accord avec cette nouvelle culture consumériste qui prône également une quête de l’authentique. Les hammams sont aujourd’hui associés aux sau- nas, aux salles de remise en forme, aux salons de coiffure et de beauté qui se développent aussi bien sur la rive sud que sur la rive nord de la Méditerranée. Marjo Buitelaar

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