Averroès | de Libera, Alain
Averroès 136 Averroès (1126‑1198) Issu d’une famille de « grands juges », Abû al-Walîd Muhammad ibn Ahmâd ibn Rushd – en latin Averroes – a vécu sous le règne des Almohades Abû Ya‘qûb Yûsuf et Yûsuf Ya‘qûb al-Mansûr. Nommé cadi de Séville en 1169, puis de Cordoue en 1182, par le premier, exilé par le second en 1195, Averroès a produit, entre 1168 et 1198 (date de sa mort à Marrakech le 10 décembre), l’œuvre philo sophique la plus importante du Moyen Âge. Il a laissé plusieurs types d’écrits : Compendia (improprement appelés Petits commentaires , Commentaires moyens et Grands commentaires ) , épitres, traités de formes diverses, qu’il a constamment remaniés, dans tous les domaines (philosophie, astronomie, droit et jurispru- dence, médecine). Cet aristotélicien emblématique n’a pas toujours connu Aristote. Au début de sa carrière, il lisait d’autres auteurs, principalement dans le domaine de la psychologie : les Grecs Alexandre d’Aphrodise et Themistios, les Andalous Ibn Bajja (Avempace) et Ibn Tufayl (Abubacer). Plusieurs œuvres de la période préaristotélicienne ont eu une postérité importante dans la littérature philo sophique juive médiévale. Ce sont néanmoins ses commentaires d’Aristote qui ont fait la renommée d’Averroès, lui valant le surnom de Commentator Aristotelis , et une diffusion massive. Ses textes ont connu deux courants de traduction : de l’arabe à l’hébreu ; de l’arabe ou de l’hébreu au latin. Deux milieux de réception aussi : du xiii e au xv e siècle, les écoles (yeshivôt) juives du Nord de l’Espagne ; du Moyen Âge à la fin du xvi e siècle, les universités, principalement italiennes, théâtres de deux « averroïsmes », juif et latin. La vogue d’Averroès était telle dans le monde aca- démique que ses Commentaires sur la métaphysique, la physique ou le De anima , substitués aux œuvres originales d’Aristote, ont longtemps fait eux-mêmes office de manuels, objets de « Surcommentaires » ou de « Questions ». Parallèlement, l’Église tentait d’endiguer la propagation des thèses philo sophiques et théologiques dites « averroïstes », dont les théories de l’« unité de l’intellect » (le monopsychisme), de la mortalité personnelle de l’âme ou de la
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