Architecture | Tsiomis, Yannis

Architecture 111 Architecture La Méditerranée a certainement joué un rôle majeur pour la formation d’un style, d’un vocabulaire et d’un discours sur l’architecture du xx e siècle. Mais une « architecture méditerranéenne » existe-t‑elle ou ne serait-il pas plus prudent de parler des architectures plurielles de la Méditerranée, sélectionnées par des archi- tectes voyageurs qui les transcrivent et retraitent dans leurs œuvres ? En effet, en ce qui concerne l’architecture, ce singulier – Méditerranée – est gênant car quel rapport établir entre la Casbah d’Alger, le village des îles cycladiques ou celui fait en granit gris des montagnes corses ou, encore plus troublant, les villages de Macédoine faits de bois et de pierre ? Ce sont peut-être les films du cinéaste Theo Angelopoulos qui expriment le mieux cette fin du mythe de la Méditerranée, par ces paysages d’une Grèce dans le brouillard, cette Grèce montagneuse, grise, brumeuse, enneigée, glacée. Le cinéaste a bien compris que le paysage médi­ terranéen est une métaphore « politique » et culturelle, et qu’on en fait ce que l’on veut. En architecture, c’est pareil. Pour Homère, la Méditerranée ne porte pas de nom. Étrange anonymat pour un monde de monstres et de merveilles qu’Ulysse rencontre et raconte dans l’ Odyssée . Et pourtant, tandis qu’il y a de nombreuses aires géographiques et culturelles en Europe du Nord, de l’Est, du Centre, avec bien des caractéristiques spécifiques de chacune, c’est la Méditerranée qui concentre, durant tant de siècles, les regards, les récits, les voyages mythiques, les expéditions scientifiques, les traversées tumul- tueuses. À la différence des autres mers et océans qui ont autant et même plus de récits extraordinaires à présenter – on n’a qu’à songer aux découvertes des mondes par la mer à partir du xv e siècle –, la Méditerranée est connue, labourée, traversée, dessinée depuis longtemps. On ne la découvre pas, elle est déjà là. Toutefois, sa spécificité est de concentrer un ensemble d’éléments par ailleurs connus, un par un, mais qui forment cette mosaïque cohérente et incohérente qu’est la Méditerranée. Et l’on réinterprète cet ensemble chaque fois et à chaque siècle. À partir du milieu du xix e et surtout au début du xx e siècle, de nouvelles interprétations naissent avec, d’un côté, le dépérissement de l’Empire ottoman

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