Alimentation | Herrscher, Estelle; Saunier, Elia; Sauvegrain, Sophie-Anne

Alimentation 74 à définir cette alimentation (Flandrin et Montanari, 1996). Le pain, le vin (pré- cédé chronologiquement par la bière), le porc ou l’agneau sont des exemples d’aliments pouvant être interdits ou sacrés selon les religions. Pour beaucoup, néanmoins, ce n’est pas tant par les ingrédients eux-mêmes que se caractérise l’alimentation méditerranéenne. L’unité se ferait plus au niveau du système alimentaire que des aliments stricto sensu . Il convient ainsi de citer les techniques de préparation, comme les farces ou les soupes (chorba, gaspacho, soupe au pistou…), et de cuisson, comme la friture ou le grillé, probablement plus partagées que les produits de base ou les condiments eux-mêmes. De plus, si la Méditerranée fournit une diversité assez réduite de produits liés aux saisons, la variété des préparations offre au contraire une richesse de saveurs et d’odeurs. Les auteurs s’accordent pour louer les propriétés organoleptiques de l’alimentation méditerranéenne ; il s’agit, pour les saveurs, de l’acide, de l’aigre-doux, du salé-­ sucré, de l’amer, du piquant ou encore du fumé-sucré (Aubaile-Sallenave, 1996). Les couleurs, vives et multiples, ainsi que les textures, craquantes et al dente , sont aussi des éléments caractéristiques de cette alimentation (Garine, 1996). Enfin, les notions de plaisir de manger, de convivialité (autour d’amuse-gueule, de tapas, de mezzés ou d’une kémia) semblent prépondérantes. En effet, le système alimen- taire méditerranéen se caractérise également par des formes de sociabilité, une struc- ture familiale et le rythme de ses procédés de travail. Ainsi, comme le résume Igor de Garine (1996), c’est sans doute « dans les manifestations plus complexes, et qui se situent bien au-delà des aspects purement nutritionnels et relèvent peut-être de la poésie, que l’on peut tenter de cerner quelques caractères généraux d’un modèle de régime méditerranéen ». Dans un tel contexte, il paraît plus pertinent de cher- cher l’unité de l’alimentation méditerranéenne au-delà des ingrédients, tant on observe une grande diversité selon l’histoire (colonisation, religion, migrations…) et la géographie particulières de chaque région. Par exemple, la consommation de viande est plus importante sur la rive nord de la Méditerranée, se rapprochant de celle des pays nord-européens, que sur la rive sud, celle des Balkans étant inter- médiaire, alors que les régions de la rive sud consomment plus de céréales et de légumineuses. Sur une même rive, la consommation de viande varie également selon la proximité avec la mer ; dans les régions côtières, le poisson est substitué à la viande. De même, dans certaines régions, on cuisine avec des herbes, alors que dans d’autres c’est avec des épices. Devant une telle diversité, héritée tant des traditions anciennes, antique, byzantine, turque, arabo-andalouse et occidentale que des apports successifs de produits alimentaires extérieurs, il semble donc qu’il faille préférer le concept d’« alimentations méditerranéennes » à celui d’une ali- mentation méditerranéenne (Collin-Bouffier et al ., 2003). Par ailleurs, il est également important de souligner que le terme « régime médi- terranéen » fait référence à un cadre spatio-temporel particulier correspondant au

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