Introduction

Introduction 11 sur la Méditerranée, en esquissant des thèmes qui reviendront souvent : l’équi- libre, la mesure, la Méditerranée comme dispositif, comme « machine à faire de la civilisation ». Celles d’Albert Camus et de Gabriel Audisio, dans lesquelles l’évocation littéraire du paysage méditerranéen – de ces éléments faits de lumière éclatante, de formes nettes, de mer nourricière – se mêle à une utopie de récon- ciliation et de communication entre les peuples riverains, revivifiant le génie méditerranéen sans barrières de langues et de religion  2 . Mais il ne faut pas oublier le poids de conceptions bien plus sombres, comme celle, très influente à son époque, d’un Louis Bertrand qui, dans ses pamphlets et dans ses romans, véhicule l’image d’une Méditerranée uniquement latine, hantée par le cauche- mar des contacts avec l’autre et par la crainte de l’invasion. La liste des représen- tations littéraires de la Méditerranée pourrait être allongée en faisant référence à d’autres pays  3 . Mentionnons au moins le modernisme et le noucentisme cata- lans des premières décennies du xx e siècle, ou l’œuvre de Lawrence Durrell qui a façonné une image littéraire de la Méditerranée pour de nombreux lecteurs anglophones. Toutes ces représentations se configurent comme un palimpseste où des écritures multiples cohabitent dans un mélange désordonné et s’ouvrent sur d’autres moyens d’expression, de la peinture, à l’architecture, au cinéma  4 . On pourrait évoquer, à titre symbolique, les noms de Joan Miró, Le Corbusier et de Manoel de Oliveira. Les choses ne deviennent pas beaucoup plus simples si l’on se tourne vers la seule recherche scientifique. Il y a d’abord un problème de quantité. L’invention de la Méditerranée au sein des sciences humaines et sociales remonte au moins au xix e siècle  5 . Une longue et complexe généalogie montre que la Méditerranée a été utilisée depuis longtemps comme instrument analytique dans plusieurs domaines : la géographie humaine, l’histoire, l’anthropologie… Bref, les études méditerranéennes ont été massives. Le lecteur se retrouve désormais face à une accumulation de connaissances produites par différentes générations de cher- cheurs, au sein desquelles il est possible d’identifier plusieurs « solistes », rele- vant de disciplines distinctes, reconnus par leur virtuosité et l’envergure de leurs travaux, se détachant d’une foule de praticiens plus humbles mais souvent non moins loquaces. Il existe désormais une énorme production, diversifiée et 2. Th. Fabre, 2000 ; E. Temime, 2002. 3. Nous renvoyons au travail coordonné par Th. Fabre et R. Ilbert, Les Représentations de la Médi- terranée (2000), qui a étudié la généalogie de la représentation de la Méditerranée dans dix pays (Allemagne, Égypte, Espagne, France, Grèce, Italie, Liban, Maroc, Tunisie, Turquie). Chacun des dix volumes accueille un chercheur et un écrivain du pays concerné. 4. Pour une exploration de ces aspects, voir le catalogue d’exposition Le Noir et le Bleu. Un rêve méditerranéen , Mucem – Textuel, Paris, 2013. 5. M. Bourguet, B. Lepetit, D. Nordman et S. Maroulla (éd.), 1998.

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