Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- 95 - cinquante-six soldats 'français furent délivrés sans rançon. " Si j'en avais davantage, dit l'émir, je te les donnerais de bon cœur, sans condition : le chef de la prière des chré– tiens n'est point mon ennemi. >l Un tel bonheur dépassait toute espérance. Nos soldats furent condui.ts aux avant-postes francais d'Oran par une escorte qui rapporta un reçu de leurs personnes, signé par l'officier commandant. Le bon abbé se remit en route avec le cœur plus léger qu'au départ. Il revit avec joie ses amis dn désert et er: reçut le même accueil hospitalier. L'heure du combat sem– blait attendre qu'il fût en sûreté. Seulement, il faut le dire, sa soutane déchiquetée par les ronces, ses p~uvres pieds meurtris et chaussés d'écorce, son doux visage tanné par le soleil, et sa barbe en broL1ssaille n'annonçaient plus guère un ambassadeur du bon Dieu. Arrivé devant un de nos camps, sous Médéah dans l'Atlas. il attacha son mouchoir au bout d'un bâton de palmier, ei se mit à courir en criant : Fi·ance ! France ! Le général Baraguey-d'Hilliers, qui le voyait venir, n'en pouvait croire ses yeux. " Ah çà, d'où arrivez-vous ainsi fait, monsieur l'abbé?... - Oh! d'un peu loin, général, et rudement fatigué! l\iais c'est égal, je suis content d'Abd-el-Kader. - Comment•.. vous venez de chez Abd-el-Kader? et avec qui? - Mais, général, avec mon interprète. n I Et il se mit à raconter ses aventures et son sur.cès, avec liJ joie qui débordait de son cœur; une joie d'enfant, une joi e d'ange. Officiers et soldats, pressés en cercle, le conlem-– plaient avec le doux respect qu'inspirent les grandes choses accomplies avec simplicité. http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

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