Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- ô8 - « Mon vis-à-vis fit de même, et je l'entendis crier en russe un commandement répété; je criai à mes hommes, de toute la force de mes poumons, de ne pas tirer. « l\1on partenaire sauta hors de son trou, bravement, le premier. J'en Eis aulant et nous nous avançâmes l'un vers l'autre. " Je me trouvai bientôt en face d'un grand jeune homme, blond, distingué, aux yeux bleus, d'une douceur extrême, qui porla sa main à sa casquette plate, pour me saluer, et me dit en bon français, sans ombre d'accent : « - Que désirez-vous, mon lieulenanl? " - Pas grand'chose, répondis-je, et c'est beaucoup pourtan t ce que je demande. Je voudrais du feu ... J'ai un excellent cigare, une envie bleue de fumer, el pas de feu ... « - En voici, fit-il en me tendant son cigare. Esl-ce tout? « - Oui, c'est lout, et grand merci, mon enne111i. « - Non, pas ennemi, reprit-il en sourianl trisleruent; adversaire, mais pas ennemi, car il n'y a pas de haine enlre nous. " - Comme vous parlez bien français, lui dis-je, et sans accent ! « - Les Slaves n'ont pas d'accent; puis j'ai longtemps vécu à Paris... Oh! Paris! ... « - Savez-von~ que c'est fou ce que nous venons de faire là? répliquai-je; nous avons risqué notre vie pour un en– fantillage, puis vous êtes veau en toute confiance, et je vous en remercie. Mais si je vous avais tendu un piège, si cela avait élé une embuscade? ~ - Vous vous calomniez pour plaisanter, répondit-il gravement, et vous savez bien que cela est impossible; car, si nous faisons la guerre, cela s'e passe entre braves gens ! " « Nous nous séparâmes après nous êlre tendu la main, http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

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