Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- 66 - " J'étais terré, comme un lapin dans son trou, bien à 'l'a-bTi des balleo, à la condition de ne pas montrer le bout de mon nez; les tirailleurs russes en face, cachés derrière ·des buttes de terre, abvités comme nous à portée de pis– t olet, et aussi à portée de voix; on s'observait en silence; il faisait un froid de chien, le jour tombait, je mourais d'en– "~ie de fumer un cigare. li:n possédant d'excellents, j'en mis mn à mes lèvres, et j'en coupai la pointe en gourmet qui se prépare à déguster. Patatras! pas d'allumettes, pas de bri– quet, pas de pierre à fusil; !rien! le supplice de TaIJtale dans toute son bCJrreur.. . « Désolé, je fouillai l'horizon; vaguement, sans but, cher– -chant... quoi? Je ne sais. F.spéranL le feu du ciel peut-êL!'e. Et je vis en face de moi, se décou'Vrant avec une imprudence héroïque, une casquette blanche et, sous la casquette, une ·figure jeune, ornée d'une barbe blonde. et au milieu de celte i.barbe blonde, un petit point de feu! C'était uo officier n1sse qui fumait sur le parapet; - il avait du feu, lui! « l'rlon premier mouvement fut mauvais. Si je lui envoyais une 1mlle? pensai-je. Puis je réfléchis, pourquoi faire? Bah! -eroaulé inutile! Les faits de guerre isolés, ce!a sent l'as- 11assioat. c1 Une pensée folle me traverse alors la cervelle : si je lui demandais du feu ?... « Après lout, mourir d'ennui ou mourir d'une balle! A 'l'ingt ans, on ne compte pas avec la vie, 'et je risquai l'aventure. « Je mis mes mains en porte-voix et poussai urr Oh! hé! formidable. Après un rr,oroent d'hésitation, un Oh!. hé! me répondit. c< J'avais été compri·s. J'attachai alors mon mouchoir 'blanc au bout de mon fusil, l'élevant en l'air' comme un drapeau parlementaire. http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

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