Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- 63 - au chevet du blessé, penché sur ses lèvres d'où sortent avec peine quelques mots entrecoupés, il arrive à reconstituer à peu près la tragique aventure. Après avoir erré deux jours dans la direction de l'ouest, poussé par la faim, Gaillot s'était rapproché des lieux habi– tés. Il avait été saisi par les Arabes, qui l'avaient épargné, espérant obtenir d'un déserteur et surtout d'un gradé quel– ques renseignements utiles sur la marche des détache – ments français. Mais son honneur de soldat s'était révolté à la vue du rôle qu'on voulait lui faire j;mer. Toutefois, comme la vie était à ce prix, il demanda à être amené dans le voisinage de la colonne Bugeaud, promet.tant d'en– trer en rapport avec elle et de transmettre les renseigne- mrmts à l'ennemi, · Conduit en quelques jours sur les lieux, il n'avait pas tardé, en dépit d'une étroite surveillance, à s'échapper. Devant Bugeaud, il s'accuse et réclame la punition qu'il mérite. Le maréchal devinant son tempérament prêt à toutes les audaces, lui fait grâce de la vie, à la condition de risquer sa vie en portant au plus vite un ordre très pressé à la colonne Bedeau par le chemin le plus court qui est celui qu'il vient de suivre à travers les forêts. Justement fier et reconnaissant de la mission qui lui est confiée, Gaillot repai·i le lendemain. Alors commence pour lui une existence terrible. Sans nourriture, vivant de ·fruits et de racines, ne dormant pas, caché le jour dans quelque buisson ou dans un arbre, mar·· chant la nuit, faisant de longs détours pour éviter les lieux fréquentés, soutenu seulement par le sentiment de son de– voir, il aperçoit enfin au matin du huitième jour, du haut d'une petite colline, les tentes françaises qui brillent à trois kilomètres dans la vallée. Il s'adonnait à la j-oie quand il fut blessé d'un coup de feu tiré pa:r un Arabe qui le suivait http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=