Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- 62 - l'aube après l'événement n'avait révélé ni trace de chute ni trace de sang. Mais depuis, il était trop facile de prévoir que Gaillot était devenu la proie des Kabyles ou qu'il était mort d'inanition sur cette terre desolée, Malgré tout et en dépit de la raison, son cœur conservait le secret espoir de ie revoir encore. Le i2 juillet, veille de la retraite définitive sur Batna, Cordelet faisait un peu avant la tombée de la nuit une reconnaissance à la tête d'une patrouille à une certaine dis– tance du camp. Soudain, au détollr d'un sentier, l'homme qui le précède s'arrête et croise la baïonnette; un léger bruit et comme un appel s'était fait entendre dans le fourré. Bra– vement, le sergent s'avance le revolver au poing. Un homme était là gisant pnesque inanimé. Allx lambeaux de ses vê– tements, au galon qui pend de sa manche, il n'y a plus de do1Jte, c'est lui : c'est Gaillot; mais, dans q1Jel état! Blème, décharné, méconnaissable, souillé de terre et de sang, et la jambe fracassée par une balle ! Ala vue de l'uniforme fran, çais une luellr traverse les yeux éteints du blessé et, de sa main crispée, il tire de sa poitrine un pli en murmurant d'une voix défaillante : « Au général... tout de suite... » Sur un brancard formé par les fusils et des branchages Cordelet ramène au p!us vite au camp Gaillot évanoui, et se précipite vel's la tente du général Bedeau. La lettr~ qu'il lui remit contenait ces simples mots : « Je me retire sur Batna pour ramener ver; l'intérieur un ennemi qui s'enfuit sans cesse vers le sud. Rabattez– rnus Yers le sud-ouest au plus tôt pour prendre à revers les forces qu.e j'attaquerai de front. ( Maréchal BUGEAUD. )) A la lecture de ces mots, le brave Cordelet ne se sentit plus de joie. Ce n'était donc pas en Lransfnge, mais en en– voyé du maréchal que Gaillot rejoignait ses camai ttJes. Assis http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

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