Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- 40 - cc Docteur, je vous en prie, dit l'aumônier, voyez quelle horrible blessure, et il est venu seul, à pied, du champ de bataille. - Eh bien, mon cher abbé, dit aussitôt }e major, vou– lez-vous m'aider à le tenir, et quoiqu'il se fasse tard, nous allons le tirer d'embarras? l> Tous deux font asseoir le sons-officier un peu à l'abri contre le talus. Le docteur Allaire, avec une merveilleuse dextérité, a bientôt fait de rectifier la blessure, de scier les pointes de l'os brisé, et il achève de détacher le bras. Le sPrgent est admirable d'énergie, regardant fixement l'abbé de Meissas, car le docleur Jui a défendu de tourner la tête de son côt.é. Quand tout est fini, l'aumônier place sur les épaules du blessé sa capute en glorieux lambeaux. Celui-ci refuse de prendre place sur un cacolet. « Si le village est à dix minutes, dit-il, j'irai bien à pied . - Je vais vous conduire à travers la prairie et vous mettre mr le chemin», lui ·répond l'abbé de .Meissas, en le prenant par son bras reslant. A peine ont-ils fait quelques pas, que le sergent s'arrête : un obus vient d'éclater, à quel– ques mètres, enfonçant un fourgon, tuant un cheval et bles– sant deux hommes... Jusqu'à ce moment la douleur a été si vive qu'il ne s'est pas aperçu de l'effroyable canonnade qui COJlvre de projec– tiles cette partie du champ de bataille. « Est-ce qu'ils en voudraient encore à mon autre bras? s'écrie-t-il presque gaiement, en tournant ses regards vers la ferme de Moscou, que l'artillerie prussienne bat avec fu– reu1. - Quel beau soldat vous êtes! dit l'aumônier avec admi– ration. Quelle force et quel courage vous avez! » L'héroïque sergent tire alors de sa poche un petit livre tout couvert de sang versé pour la patrie : http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

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