Paul Decaux : Le soldat, almanach pour 1901

- 25 - nager pendant une trentaine de ' mètres. Voyant l'entasse– ment du pont, craignant d'être précipité comme bien d'au– tres dans Je fleuve par la poussée de la foule, sachant d'ail – leurs bien nager, notre Limousin résolut de choisir le second parti. . Quelques-uns de ses compagnons avaient déjà réussi dans l'entreprise; il s'élance à leur suite. Mais l'-eau était si froide qu'il éprouva, au bout de quelques pas, un engour– dissement général. Aussi, qu and il l'ut arrivé au point où, perdant pied, il lui fallut qe mettre à la nage, il s'aperçut qu'il avait trop présumé de ses forces~ Le poids de ses armes, l'?nergie qu'il fallait déployer pour lu lter contre le courant et les glaçons demandaient trop d'efforts à un jeunu homme affaibli par tant de privations de toutes sortes et par les fatigues des marches forcées des jours précédents. Il sentit qu'il allait enfoncer. Dans celle minute suprême, où il eut la sensation de la mort, il revit avec une lucidité parfaite sa vie, son village, son enfance, sa mère, la dure campagne qui l'avait mené en Russie, et, se soumeAtant à la volonté de Dieu, il allait s'abandonner... Tout à coup, là, à ses côtés, il aperçoit la croupe d'un cheval parlant son cavalier vers la rive opposée. Etendant le bras d'un effort désespéré, il saisit de sa main défaillante la queue de l'animal. C'était son salut; soutenu par la noble bête qui luttait courageusement, il se laissait entraîner i.nerte vers la rive opposée. !\fais le cheval, accablé par ce nouveau poids, s'était arrêté au bout d'un instant, trop faible pour vaincre les flots. Son cavalier, étonné, tourne la 1ête et s'aperçoit de la cause de ces efforts impuissants. Rendu égoïste pat· le péril, il lève son sabre prêt à frapper et à couper la main de celui qui allait J'entraîuer avec iui dans l'abîme. http://e-mediatheque.mmsh.univ-aix.fr Corpus | Trésor de la médiathèque

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