Léon Chaudanson : Scènes de la vie marocaine

Chikh el bir est un génie noir et velu qui attire au fond du puits les petits imprudents (pii. oubliant les recommandations maternelles, se penchent par-dessus la margelle. Aïcha Quandicha, dangereuse sirène peuple le bord des rivières ou des mers. Elle y attire scs victimes en se présentant à elles sous les traits d'un être cher en qui on a toute confiance. Malheur à ceux qu ’ elle parvient à fasciner et qu ’ elle fait noyer impitoyablement. Aïcha Quandicha est une fée malfaisante redoutée. ISe connaît-on pas. à nouveau, la lamantable histoire de ce pauvre quehaïlé (pie les enfants poursuivent de leurs taquineries et font mettre en colère en l ’ appelant moulay dfrizi (le frisé) ! 11 y a quelques années, il aidait son père à fabriquer des socques. La nuit venue, il descendait pêcher à l'Océan pour augmenter les ressources de la maison. L ne nuit, alors qu ’ il se reposait des fatigues de la pêche, il crut distinguer près de lui une forme humaine cpii paraissait être celle de son père, et lorsqu ’ il la vit se jeter à l ’ eau, il se précipita à son secours croyant sauver l'auteur de ses jours. En vain attendit-il de le voir reparaître à la surface de l ’ eau. Certain de la noyade de son père, il en devint fou de douleur. Depuis ce temps-là, il vit constamment au bord de l ’ Océan et a élu domicile dans une grotte (berguema). Il s ’ est abandonné (marié dit-il) à Aïcha Quandicha. Vêtu sommairement d ’ un vieux sac en toile large dans lequel il a pratiqué des ouvertures pour la tête et les deux bras, il fait (piekpies apparitions dans la ville indigène sous et accoutrement lorsque, tenaillé par la faim, il quitte sa grotte. Inutile de dire les misères que lui font alors les enfants. On raconte également qu'un enfant d ’ une dizaine d'années, habitant le quartier des Oudaïas à Rabat, prenait un bain de mer avec quelques camarades au pied de la falaise quand, tout à coup, il coula à pic. Peu de secondes après il reparut à la surface en poussant des cris effrayants. On le sauva : il fut conduit chez lui. et alors, il raconta qu ’ il avait été attiré dans les flots par Aïcha Quandicha (pii lui était apparue sous les traits familiers d ’ une de ses voisines : une vieille négresse qu ’ il aimait beaucoup. Aïcha Quandicha l ’ avait entraîné vers une grotte où il avait aperçu des monstres manipulant de gros diamants autour d ’ un feu infernal. Heureusement, il avait pu se dégager et remonter à la surface. Un guenaoui (sorcier nègre) tenta vainement ses exorcismes pour desserrer l'enfant des jiwun (pii l'oppressaient, l ’ enfant, déjà paralysé, mourut victime d ’ ticha Quandicha. Cette sirène élit domicile dans les endroits escarpés, au milieu des éboulis de falaises et des tourbillons mortels. A Rabat ses endroits préférés sont : le quartier des Oudaïas et celui des abattoirs.

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