Léon Chaudanson : Scènes de la vie marocaine

La corvée d'eau La tente La corvée de bois est une des grosses occupations des femmes ou des enfants. Le point d ’ eau est d'habitude peu éloigné. Chacun apporte sa corde et sa puisette (seau ou sac en cuir). Les femmes vont à l ’ eau avec des jarres et des outres. Les enfants de même, mais ils utilisent le bourricot de la tente. De ce fait la corvée d ’ eau, devient pour eux quelque chose d ’ agréable. Un bouchon de bourre de palmier obture chaque jarre pleine. Le puits de la source est, pour les femmes, une vraie potinière. C ’ est aussi l'endroit où I on fait sa toilette et où I on donne quelquefois les rendez-vous. La tente se compose d'un certain nombre de Jlijs (9 à 10), véritables bandes d'étoffe imperméable de 0.5 mètre de largeur sur 10 mètres de longueur eux iron. Les «Jlijs » sont en laine, en poils (de chameau ou de chèxTe) et assez souvent en fibre, de doum (palmier nain). Ils sont cousus l ’ un à l'autre dans le sens de la longueur et l ’ ensemble forme la tente (pii est soutenue par un certain nombre de montants « rhéïs » sur lesquels elle est tendue par des cordes amarrées à des piquets enfoncés dans le sol. Le faîte de la tente est déterminé par une pièce de bois essentielle « hammar » (pii est généralement décorée. La tente est entourée d une rigole pour l ’ écoulement des eaux de pluies. Elle est divisée en deux parties par un rideau : la partie droite est réservée aux femmes pour la cuisine ; celle de gauche est destinée aux hommes et aux enfants. Entre les montants supportant le hammar. une pièce de toile en forme de hammar « rehal » reçoit les provisions et le linge. En avant de la tente s ’ installe le foyer. En arrière, un trou creusé dans le sol et crépi de fiente de vache reçoit la nourriture des chiens. I ne natte autour de la tente : sage précaution contre le froid. Elle est toujours une rude corvée. Dans la montagne où le bois n'est pas rare, on peut se ravitailler rapidement pour plusieurs jours. Par contre, dans la plaine, il faut péniblement arracher les souches de palmiers nains et revenir souvent à la provision. On utilise souvent, pour le transport du combustible, les bêtes de somme disponibles à la lente. C'est que la consommation est grande sous la khaïma (tente). Il faut faire cuire le pain el les aliments, se chauffer et même souvent s'éclairer autour d'un bon feu. Sans conteste la corvée de bois est pénible el ennuyeuse. Le métier à tisser T a » bédouine passe une grande partie de son temps à tisser. Avec un métier vertical, elle tisse les étoffes employée pour vêtir hommes, femmes et enfants de la tente. Elle confectionnera aussi les beaux tapis dont les souks des x illes sont achalandés. Avec un métier horizontal 1res rudimentaire, elle tisse les Jlijs destinés à remplacer ceux de la tente <pii sont cassés. Il doit toujours y axoir une réserve de / Iijs de remplacement sous la tente. La traite Chaque matin et chaque soir, la |compagnie?! doit traire les brebis, les chèvres et les vaches du troupeau. Elle se sert d une lialléba (vase à traire) et aussitôt (pie celle-ci est pleine, elle en vide le contenu dans une grande jarre remisée sous la tente. Pour traire les brebis, on les place sur deux rangs, têtes opposées et attachées. Avant de commencer la traite d une brebis on a bien soin de lui prendre la patte arrière gauche sous la jambe gauche repliée pour éviter toute surprise. Le beurre T a * beurre frais s'appelle zebda ; fondu c ’ est du smon. On le fait légèrement chauffer pour le cailler. Il est ensuite mis dans une outre (pie l'on achève de gonfler et (pie l'on agite après fax oir suspendue à un trépied. Quand elle sent (pic la boule de beurre est formée, la ménagère dresse loutre et presse axec le pied sur le bas pour faire remonter la motte de beurre. Il s'agit alors de la malaxer, de la laxer puis de la saler axant de la mettre en réserve dans une cruche « quellouch ». Le petit lait est consommé par la famille. Les diverses occupations sous la tente Le gros travail terminé, il faut cependant éviter de rester désœuxTé ! N ’ y a-t-il pas d ’ ailleurs du grain à moudre pour fabriquer le pain quotidien ! De la laine ou de la fibre de palmier à filer ! Moudre le grain n'empêche pas de « tailler » de bonnes bavettes avec les voisines. Une visite opportune fournira l'occasion de mettre en route un bon thé à la menthe. Quant aux enfants, la vie sous la lente est la vie libre, rêvée et où les pauvres baudets ont un triste rôle à jouer.

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