Léon Chaudanson : Scènes de la vie marocaine

Lehakim Le hakim ou prestidigitateur s ’ installe sur la place publique ou dans tout endroit fréquenté et spacieux. Les trucs étant peu compliqués il loge facilement ses accessoires dans une caissette. 11 amuse follement les spectateurs par exemple, en s'appuyant les deux mains sur son ventre tout en imitant le caquetage de la poule et en faisant ensuite sortir un certain nombre d'œufs de sa bouche. De même il opère avec une bougie allumée, une longue tige de fer, etc. Dès que la hakim s ’ installe quelque part, un demi-cercle ne tarde pas à se former autour de lui. La place publique à la ville La place publique est remplacement normal du marché. Si la ville est entourée de remparts, la place publique se trouve souvent en bordure des fortifications et généralement à l'extérieur. C'est là que se font la plupart des transactions commerciales sur les animaux, les grain, etc. tout ce qui est nécessaire au ravitaillement des hommes et des animaux s ’ y trouve ou y voit aussi un certain nombre d'attractions : montreurs de singes, charmeurs de serpents, conteurs, prestidigitateurs, saltimbanques, etc. Les malades peuvent s ’ y faire soigner par des médecins ou des marchands de remèdes et d'amulettes. 11 est possible aux désespérés d ’ avoir recours à un sorcier ou un écrivain public qui conjurera leur mauvais sort contre bonnes espèces sonnantes. Enfin la place publique est aussi le marché du travail « Mouqueuf » ou les gens en quête d'un manœuvre, un attelage viennent choisir et engager sur le champ ce qui peut faire leur affaire. Le Meddah Le meddah ou conteur populaire s'installe sur la place publique. 11 allume un feu de paille pour tendre la peau de son tambourin «gouet » sur lequel il frappe pour annoncer qu'il va commencer et en cours de récit, pour tenir en éveil son auditoire. Devant lui, il place ses babouches sous lesquelles il cachera la menue monnaie que lui jetteront les auditeurs. Le meddah offre à son auditoire les merveilleux exploits guerriers d'Antar ou des histoires désopilantes dans lesquelles les juifs et les chrétiens jouent généralement un rôle qui provoque l ’ hilarité de l ’ assemblée. De temps en temps le conteur n'oublie pas de faire appel à la générosité de ceux qu'il déride. En Tunisie, le conteur ou « fdaoui » s'installe plutôt dans un café surtout au cours des veillées de l'hiver. Chaque café a son conteur attitré. Ould Sidi Rahal Bouderi Ould sidi Rahal Bouderi est un charmeur de serpents originaire des environs de Tadla dont Sidi Rahal Bouderi est le marabout protecteur. Tout originaire de la tribu est garanti par la baraka de son aïeul contre tout danger causé par les reptiles. Tout Ould Sidi Rahal Bouderi qui s ’ expatrie lire ses moyens d'existence en exploitant la baraka de son protecteur dans ses exhibitions publiques. 11 joue avec les serpents, quelquefois même, il les déchire à belles dents si la quête frud ueuse justifie le sacrifice d ’ un reptile. On a recours à ses bons offices pour capturer un reptile dangereux. Il avale aussi une gorgée d ’ eau bouillante qu'il rejette aussitôt en fine pluie sur l'assistance émerveillée de recevoir des gouttelettes d'eau glacée. Il fait généralement de bonnes recettes. Le Chaouef Le chouef ou arref est le diseur de bonne aventure. C ’ est souvent un ancien guenaoui (danseur nègre couvert d ’ amulettes) fatigué qui continue à demander à la magie de le faire vivre. Il s'installe dans un coin de la place publique sans se préoccuper de grouper un noyau de curieux. Le « Teboq » (récipient en bois placé devant lui suffit à le faire connaitre. Lorsqu ’ un client se présente, il brasse les objets hétéroclites contenus dans son tebok : écrous, billes, coquillages, cct. et en tire une augure généralement favorable, en laissant tomber un à un la poignée d'objets puisés. Le chaouf dit la bonne aventure comme nous lirons les cartes. Il sait exploiter la naïveté humaine, c ’ est un psychologue averti. La clientèle est surtout féminine. Scs affaires sont prospères. Autrefois les arabes du désert n'engageaient aucune action sans consulter F* F? préalablement les augures. Pour cela ils attachaient un oiseau par la patte et le lâchaient ; s'il se dirigeait vers la droite l ’ augure était favorable par contre la gauche était jugée néfaste. L'écrivain public-sorcier s ’ installe soit en pleine place publique en ayant soin de s ’ abriter du soleil sort en bordure des remparts et en se protégeant grâce à une toile de tente. Accroupi sur une peau de mouton posée sur une natte, il y a devant lui une caissette bureau sur laquelle sont ses livres, son encrier, son papier et une omoplate d ’ agneau. Son travail consiste à rédiger la correspondance des illettrés, fabriquer des amulettes « harz », jeter des sorts ou prédire l ’ avenir. A ce dernier titre on l ’ appelle « khattat » (traceur de signes cabalistiques). Il utilise les « nouklats » combinaison de points tirés fin nom des parents du patient pour prédire les suites d ’ une maladie ou le « Khal zenali » (écriture zénète) combinaison de points et de traits constituant un véritable horoscope. L ’ écrivain public sorcier rédige peu de lettres mais on fait souvent appel à lui comme sorcier et devin. Si la science des « khaUats » de place publique est souvent discutée, étant donné leur ignorance patente, il y a en v ille des « Khattats » lettrés renommés. Le charmeur de serpent Le charmeur de serpent est un adepte de l ’ ordre mystique de Sidi Ahmed ben Aissa de Meknès. Il s ’ installe sur la place publique dans le courant de l ’ après-midi. Tout d'abord il dépose à terre un panier dont l'armai lire en roseaux recouverte de cuir contient le serpent (généralement un naja) qu'il veut présenter au public. Ensuite il allume un feu de paille sur lequel ses aides tendent la peau de leur « Tabbels » (Tambours basques) et place devant lui ses babouches qui cacheront sa recette. Il commence le spectacle en présentant sa tête au serpent puis demande à l ’ assistance de réciter la « faliha » (Prière) en sa faveur. Une quête suit et il sait décider les récalcitrants en leur enroulant le serpent autour du cou. Au cours de son exhibition il se lait mordre jusqu'au sang soit aux lèvres soit au bras. En fin de spectacle, au coucher du soleil, il fait généralement une quête, souvent peu fructueuse, en faveur des pauvres qui ont été ses premiers spectateurs dévoués.

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