Waqf | Deguilhem, Randi

Waqf 1557 des propriétés appartenant aux fondations waqf vers un autre statut, comme celui de milk (propriété possédée à titre privé) en passant d’habitude par une location à long terme sur la propriété waqf , se trouvent régulièrement dans les documents enregistrés aux tribunaux d’État, notamment de l’époque ottomane, les mahâ- kim shar‘iyya (Hénia, 1999 ; Shuval, 2004 ; Deguilhem, 2008 ; Sroor, 2010). À l’exception de la tradition malékite en islam, répandue dans le Nord de l’Afrique, le waqf est une structure « éternelle ». Autrement dit, les propriétés immobilières ou agricoles données par le constituant du waqf sont enlevées à jamais de sa possession personnelle pour devenir, « pour toujours » (en arabe, ilâ abad , expression présente dans la charte de la fondation du waqf ), des pro- priétés qui rapportent des revenus à son waqf avec lequel est associé le nom du constituant, bien que, en réalité, les documents de l’époque ottomane montrent une activité de mobilité sur le marché immobilier (Saidouni, 2007). Pour préciser davantage l’orientation définitionnelle d’un waqf , si son consti- tuant désigne une personne comme bénéficiaire des revenus allant à son waqf , cette personne garde ce statut jusqu’à son décès : il s’agit alors d’un waqf dit « familial » ou privé ( waqf dhurrî ou ahlî ), même si la personne qui en est le bénéficiaire n’est pas de la famille du constituant du waqf . Cela dit, le destina- taire ultime d’un waqf familial devrait être de vocation publique, charitable ou religieuse : une fois la ligne des descendants privés éteinte, les revenus du waqf passent à la prochaine étape (daraja) , celle des bénéficiaires khayrî . En revanche, si le fondateur désigne un établissement à vocation religieuse, publique ou chari- table, il s’agit d’un waqf dit « charitable », « public » ou « religieux » (waqf khayrî) . In fine , c’est le choix du bénéficiaire qui caractérise le genre du waqf : soit il est « familial », soit il est « charitable » ou « public », soit il est un mélange des deux et dans ce cas il est mixte (mushtarak) . Créer un waqf : le pouvoir d’agir à l’échelle individuelle, à l’échelle sociétale Nous parlons donc ici d’un dispositif très personnel et personnalisé, qui donne une grande autonomie d’action et de manœuvre à l’individu qui choisit de l’utiliser car il s’agit bien d’un choix : fonder un waqf n’a rien d’obligatoire, au contraire de la zakât (l’aumône, un des cinq piliers de l’islam). Signalons encore que les mêmes règles s’appliquent indifféremment aux femmes et aux hommes quant à leur capacité juridique de créer un waqf . à titre d’exemple, pour les fondatrices musulmanes, chrétiennes et juives dans la ville de Beyrouth otto- mane du xix e siècle (Adada, 2011). Le pouvoir d’action dans la création d’un

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