Voyage | Bertrand, Gilles

Voyage 1547 qu’occupa l’Afrique barbaresque, donc le Maghreb, dans la littérature française des xvi e et xvii e siècles, la presse périodique se fit l’écho (Turbet-Delof, 1973). À côté des marins, des pèlerins et des diplomates, l’espace méditerranéen fut par- couru par des marchands partis, comme Tavernier ou Lucas, à la recherche non seulement de pierres précieuses dont ils faisaient commerce, mais aussi de pay- sages, d’antiquités et de coutumes qu’ils racontèrent à leurs lecteurs. Présente dans les relations de voyage devenues des instruments de connaissance encyclopédique, la Méditerranée resta marginale dans les itinéraires d’apprentis- sage du Grand Tour mis en place à partir du xvi e siècle pour les jeunes Anglais et pour les autres membres des élites européennes, sinon à travers la destination ita- lienne, et encore celle-ci ne dépassait-elle pas, en général, la région de Naples au sud de la péninsule. Elle joua un rôle plus déterminant à l’âge romantique lorsque prit son essor un nouvel objet littéraire, le récit de voyage fondé sur la mise en scène du moi voyageur. L’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, paru en 1811, marque à cet égard une rupture dans l’écriture, qu’ont soulignée les spé- cialistes de littérature, Philippe Antoine, Jean-Claude Berchet, Alain Guyot et Roland Le Huenen. Byron achève alors son voyage en Orient qui, de juin 1809 à juillet 1811, l’a mené de l’Angleterre à Constantinople en passant par Lisbonne, Séville, Gibraltar, Malte, l’Épire, la Grèce et l’Asie Mineure. En 1823, il regagne depuis Gênes Céphalonie et la Morée avant de mourir en 1824 à Missolonghi. Or, ces voyages de Byron et le long poème qu’il tira du premier, Childe Harold’s Pilgrimage, publié entre 1812 et 1818, devinrent une référence incontournable pour toute une génération. Les voyages en Orient des grands écrivains français sui- virent. Outre celui de Chateaubriand, ceux de Lamartine (1835), Nerval (1851) et Gautier (1853) ont fourni à Sarga Moussa l’occasion de réfléchir sur le rôle de l’interprète levantin, le drogman, dans la construction des récits et d’analy- ser les changements d’attitude des Européens, désormais amenés à percevoir les Orientaux non plus comme des « images » mais comme des « sujets » avec les- quels ils entraient en communication ( La Relation orientale , 1995). De Gautier à Flaubert ou Maxime Du Camp, la rive sud de la Méditerranée joua elle aussi un rôle éminent grâce aux récits de voyage en Algérie, à Tunis et plus encore en Égypte. Daniel Lançon a étudié les évolutions de ces derniers depuis les descriptions de Savary, Volney et Vivant Denon à la fin du xviii e siècle jusqu’aux guides, recueils de photographies et relations de la fin du xix e siècle, posant la « référentialité » comme un critère déterminant du récit. Entre ces deux dates auront pris place les « tensions de l’écriture du séjour romantique » (Lançon, 2007). Procédant en sens inverse, le jeune cheikh égyptien Rifâ‘a al-Tahtâwî tira de son séjour en France, de 1826 à 1831, les éléments d’une modernisation compatible avec l’Islam, dont rend compte son ouvrage L’Or de Paris , paru en 1834 (Louca, 1970). Ce sont également l’Europe et l’Exposition

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