Virginité | Knibiehler, Yvonne

Virginité 1530 Les demoiselles bien élevées sont transformées en « oies blanches », au mépris de leur liberté morale et de leur dignité d’êtres humains. Au mari est réservé le droit d’initier sa femme comme il veut : manière d’assurer sa domination dans le couple. Toutefois, à mesure que les « enfants de Marie » reçoivent une meil- leure instruction profane, elles redeviennent des filles d’Ève, et s’émancipent en esprit, avant de goûter au fruit défendu. Dès lors que les contraceptifs et l’inter- ruption volontaire de grossesse ( ivg ) permettent d’éviter les grossesses non pré- vues, les vierges sans qualité disposent de leur corps à leur guise. Mais, en même temps, il faut noter que, depuis le concile Vatican II, la consécration des vierges – ordo virginum – connaît un renouveau discret, qui se confirme de jour en jour. Les filles pieuses déclarent toujours leur vocation à l’Église, mais elles choisissent elles-mêmes leurs règles de vie. Désormais, leur engagement est d’abord une affirmation de liberté individuelle. Les musulmans méditerranéens, colonisés aux xix e et xx e siècles, ont farou- chement protégé leur vie privée contre l’influence de l’occupant. C’est plus tard, au temps des migrations, que des filles musulmanes, scolarisées en Europe et fascinées par les modèles occidentaux, prennent des libertés, parfois au prix de conflits douloureux avec leur famille. Certaines, déçues ensuite par leurs aventures, demandent une hyménoplastie pour pouvoir « repartir à zéro », se réconcilier avec leurs proches et retrouver la protection rassurante du cocon fami- lial. Parallèlement, un usage ancestral recule : au lieu de montrer des linges tachés de sang, on met en évidence, parmi les cadeaux de noces, le certificat de virgi- nité de la mariée, délivré et signé par un médecin. Des filles cultivées arborent le voile islamique pour affirmer la supériorité de leur culture : la charia sait tenir les hommes à bonne distance des femmes, pour le plus grand bien du sexe faible. La virginité a été, est encore, une composante importante des cultures médi- terranéennes. Ce n’est pas un fantasme, ni un état du corps sexué, ni une pos- session personnelle : c’est une relation à autrui, à l’autre sexe, et aussi à la famille et à la collectivité. Tant il est vrai que tout individu n’existe que dans/par/pour ses relations avec ses semblables. Yvonne Knibiehler ➤➤ Adam et Ève, colonisation, esclavage, genre, Jésus, mariage, Marie, maternité, migration, monothéisme, musulmans, parenté, virilité, voile mots-clés Consécration, défloration, moniale, mystique, viol, vocation, vœux

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