Virginité | Knibiehler, Yvonne

Virginité 1525 Virginité Une simple observation révèle l’importance de la virginité dans la culture gréco-­ latine. Sur l’Olympe, la parité de genre est assurée : six dieux, six déesses. Parmi les six déesses, trois sont vierges par décision personnelle et bien décidées à le rester : elles refusent tout rapport intime avec l’autre sexe. Rien de tel chez les dieux : la vir- ginité n’est représentée qu’au féminin. Notons qu’une seule Olympienne n’y suffit pas, il en faut trois : c’est dire que le mythe de la virginité porte des significations multiples. Pour analyser cette riche symbolique, il faudrait caractériser les activités de chacune des trois déesses : Athéna (Minerve), Artémis (Diane), Hestia (Vesta). C’est difficile, parce que les divinités ne sont pas des figures stables : le panthéon gréco-­ latin s’est constitué peu à peu, au cours des siècles, en relation avec des contextes historiques successifs ; d’ailleurs, les divinités ne sont pas des personnes, ce sont des puissances, qui exercent un pouvoir. On peut pourtant risquer quelques interprétations. Les Anciens apprécient les plaisirs du sexe, ils en jouissent sans complexe. Mais en même temps, ils mesurent la toute-puissance de ce que nous appelons la sexualité et ils en redoutent l’emprise. Les déesses vierges ont pour mission de barrer la route à cette impulsion partout où elle pourrait nuire : elles protègent l’intégrité de l’enfance, l’intégrité de la cité, l’intégrité du foyer. Chacune agit à sa manière. Pallas Athénée, armée et casquée, protège Athènes contre toute agression ; en même temps, déesse de l’intelligence, elle préside à l’acquisition des savoirs et des savoir-faire, efforts qui exigent la liberté de l’esprit par rapport aux désirs du corps. Artémis assiste les femmes en couches et s’occupe des jeunes ; aux confins du monde sauvage et du monde civilisé, elle garde les seuils entre l’hu- main et l’animal, le masculin et le féminin, l’enfance et l’âge adulte. Hestia règne sur le foyer domestique dans chaque famille, ainsi que sur le foyer collectif de la cité : le feu représente la pureté des mœurs et la pérennité du groupe. Les trois déesses font l’objet de cultes importants et bien ritualisés. De leur côté, les vierges mortelles sont honorées et aimées en tant que promesse de vie. Corps intacts, mais corps fertiles, elles ont la capacité d’enfanter au ser- vice des lignées masculines et de la cité. Toutes les sociétés méditerranéennes sont

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