Tsiganes | About, Ilsen

Tsiganes 1496 normatives et positivistes. Autour des années 1900, l’opinion européenne se pas- sionne pour le récit des pérégrinations de Tsiganes dits « orientaux », considérés comme exotiques, Roms kalderas et lovara qui gagnent l’empire des Habsbourg, la Pologne, les pays scandinaves et l’Empire russe et que l’on retrouve aussi en France et en Belgique puis en Angleterre, avant de rejoindre les Amériques et l’Australie. Alors que ces voyages témoignent d’une adaptation remarquable aux nouvelles circulations internationales, ils contribuent à renforcer l’image d’un « peuple de la frontière », instable et ingouvernable. Ces marques de rejet coïncident singulièrement avec l’avènement d’un courant, porté par des éru- dits, des linguistes et des anthropologues, qui découvrent les sociétés romanies et en exaltent le mode de vie. Particulièrement développée en Grande-Bretagne, où est forgée la notion de gypsyness , cette nouvelle mode inaugure le domaine des études tsiganes, la « tsiganologie », qui peine toutefois à nuancer les idées communes (Bogdal, 2011). Situé aux marges du processus qui conduit à la nationalisation des sociétés européennes, le monde romani se trouve exclu du régime conventionnel de la citoyenneté et des réglementations policières spécifiques lui sont appliquées : une loi de 1912, instaurant un « carnet anthropométrique » pour tous les « nomades » résidant en France, incarne à l’extrême une volonté de contrôle et d’identifica- tion observable dans tous les pays d’Europe, avant et après la Première Guerre mondiale. Un régime administratif d’exclusion conforte alors les préjugés, voire les encourage et la presse à grand tirage devient le réceptacle de mythes et stéréo­ types qui imprègnent durablement l’image des Tsiganes : les fantasmes – qui traduisent davantage les peurs d’une époque qu’une quelconque réalité, faut-il le rappeler – du vol d’enfant, de la violence intrinsèque et de la saleté, corroborent le mythe d’une impureté fondamentale. Dans les États autoritaires, l’Italie fas- ciste après 1922, l’Espagne de Franco après 1939, la France de Vichy et tous les États balkaniques après 1940, l’influence de la politique tsigane allemande, la Zigeunerpolitik , fondée sur la raciologie, conduit à des mesures arbitraires d’in- ternement (Zimmermann, 2007). Durant la guerre, l’aggravation des condi- tions d’internement et les déportations vers les camps de concentration et les centres de mises à mort provoquent l’anéantissement d’un quart environ des Tsiganes d’Europe, soit près de 220 000 personnes (Lewy, 2000). L’oubli, voire l’étouffement de ces persécutions, perdure jusque dans les années 1980 et contribue au maintien de certaines mesures d’exception dans l’Espagne franquiste ou en France, en particulier par le maintien de la loi sur les nomades jusqu’à son abrogation très partielle en 1969. Dans les pays du bloc soviétique, en Yougoslavie ou en Roumanie, les Tsiganes subissent une double discrimination, sociale et ethnique, et se trouvent soumis, par l’exercice d’une violence symbolique, à l’assimilation forcée aux principes du socialisme

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