Trois Rois, bataille des | Mouline, Nabil

Trois Rois, bataille des 1488 du Maroc contre les prétentions ottomanes en jouant la carte de l’apaisement durant les premières années de son règne avec les puissances chrétiennes, notam- ment l’Espagne. La bataille n’engendra aucun gain territorial mais assura aux troupes marocaines une réputation d’invincibilité jusqu’au milieu du xix e siècle. En revanche, les profits symboliques et financiers furent bien réels comme le reflètent les deux titres honorifiques du sultan Ahmad : al-Mansûr (le Victorieux par Dieu) et al-Dhahabi (l’Aurifère). En effet, le souverain marocain utilisa cette victoire, interprétée comme un signe d’élection divine, pour légitimer son pouvoir au niveau « national » et asseoir petit à petit son prestige au niveau international. Les sommes colossales qu’il reçut pour libérer les captifs chrétiens lui facilitèrent la tâche. Par exemple, l’État et les grandes familles du Portugal payèrent environ 400 000 cruzados, somme extrêmement importante pour l’époque, dans le but de libérer seulement 80 nobles. Le prestige et la richesse du sultan étaient tels que même les milieux artistiques européens, comme le montrent bien les écrits de Shakespeare et le tableau de Rubens, s’en firent les échos. À long terme, le principal résultat de la bataille des Trois Rois au Maroc fut le règne d’Ahmad al-Mansûr. Ce prince, qui n’était pas destiné à gouverner et qui arriva presque par hasard au pouvoir, fut le créateur du système de légitima- tion et de gouvernement de la monarchie marocaine – le Makhzen – qui resta quasiment inchangé jusqu’au début du xx e siècle et dont plusieurs éléments sont extrêmement vivaces encore de nos jours. Par ailleurs, la bataille des Trois Rois ne laissa qu’un souvenir évasif et dis­ continu dans la mémoire collective à cause des vicissitudes politiques, notamment le changement dynastique et la récurrence des interrègnes à l’époque moderne, et la faiblesse de la production littéraire et historique. Certains nationalistes essayèrent durant une partie du xx e siècle d’exhumer et de réinventer cet événe- ment dans le cadre de la construction d’une identité et d’un récit nationaux. Mais la dérive autoritaire de la monarchie après l’indépendance interrompit ce pro- cessus embryonnaire. On préféra concentrer les récits sur le passé immédiat et la personne du monarque plutôt que sur la création d’une communauté imaginaire. Nabil Mouline ➤➤ Braudel (Fernand), conversion, course, croisades, historiographie, métro- pole, présides mots-clés Guerre, Maroc, mémoire collective, Portugal, relations internationales, Sébastien I er

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