Trois Rois, bataille des | Mouline, Nabil

Trois Rois, bataille des 1487 offensives victorieuses. Mais grâce à sa supériorité numérique et à un très bon dis- positif tactique, l’armée marocaine finit par prendre rapidement le dessus. Avant la fin de la journée, les Portugais furent mis en déroute : des milliers de soldats gisaient sur le champ de bataille et plusieurs milliers d’autres furent capturés. Les trois principaux protagonistes trouvèrent la mort : le jeune roi Sébastien tomba sur le champ de bataille, le sultan déchu Muhammad al-Mutawakkil se noya dans un ruisseau en essayant de s’enfuir, et le sultan ‘Abd al-Malik al-Mu‘tasim, très malade, succomba sur son lit de campagne. Cette bataille, qui ne dura que quelques heures, eut néanmoins des conséquences importantes sur l’histoire du Portugal et du Maroc. Une longue période de crise économique, politique et morale s’ouvrait au Portugal après cette déroute militaire. Il y perdit son armée, une grande partie de sa classe dirigeante et son roi. Ce dernier mourut sans laisser d’héritier. Le vieux cardinal Henri, dernier représentant légitime de la maison d’Avis, mourut quelques mois plus tard. La couronne du Portugal échut donc au plus proche parent du roi défunt, qui n’était autre que Philippe II de Habsbourg. Le pays, et ses possessions d’outre-mer, tombèrent ainsi entre les mains de leur principal concurrent en 1580. L’Union ibérique ne prit fin que soixante-deux ans plus tard, à la suite d’une série de soulèvements protonationalistes. La défaite de Wad al-Makhazin et la perte de l’indépendance constituèrent un véritable traumatisme qui marqua durablement la mémoire portugaise pour donner naissance à une sorte de messianisme : le sébastianisme. Sébastien, le souverain vaincu, fut érigé en figure légendaire représentant les ambitions tem- porelles et spirituelles du Portugal. Caché par les soins de la providence, le roi reviendra un jour pour libérer le pays, rétablir la prospérité et reprendre l’œuvre impériale interrompue afin d’instaurer la monarchie universelle. Cette doctrine d’inspiration biblique faisait des Portugais le nouveau peuple élu, véritable dépo- sitaire des valeurs universelles du christianisme. D’autres mythes vinrent s’y agré- ger par la suite pour le renforcer. Le sébastianisme donna lieu à des moments d’ébullition politico-mystique au xvii e et au xix e siècle. Le phénomène se trans- planta même au Brésil pour justifier plusieurs révoltes populaires au xix e siècle. De mythe théologico-politique, le sébastianisme se transforma au xx e siècle en un véritable mythe littéraire. De nombreux auteurs en firent une expression de la volonté de reconstruction identitaire et un symbole de renouveau national. De son côté, le Maroc ne put profiter de la débâcle portugaise et de la surprise espagnole pour « libérer » les présides occupés. Ahmad al-Mansûr (1578‑1603), le nouveau sultan, dut faire face à plusieurs problèmes intérieurs et internatio- naux. Il devait tout d’abord imposer son autorité à l’ensemble du territoire en éliminant des prétendants, en déjouant plusieurs complots de cour et en tenant en respect les tribus. Au niveau international, il devait protéger l’indépendance

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